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Séminaire Ars Florum, design floraux avant-gardistes

Créée en 2004, l’association Ars Florum, lieu de rencontre et de discussions en Europe, regroupe les professeurs européens diplômés en art floral. Présidée tous les 3 ans par un pays différent, après l’Italie, la Belgique, c’est la France qui en assure la responsabilité dynamique. La présidente Laurence Perez se doit de rassembler les membres autour d’évènements majeurs, leur permettant de côtoyer et de travailler avec les grands noms de l’Art Floral.

Le séminaire annuel d’Ars Florum est un lieu d’échange et de travail entre les différentes nationalités. Après le château de Chenonceau en 2010, c’est le château de Valençay, un des plus beaux châteaux du Val de Loire, qui en 2011 a servi de décor aux créations florales des professeurs.

Chaque réalisation est le fruit d’échanges

Les professeurs s’ouvrent aux techniques nouvelles, explorent le travail des matières, les alliances de couleurs… Le séminaire d’Ars Florum est un vivier d’idées où chacun s’imprègne du savoir-faire des autres. Une formation continue qui, chaque année, en plus de l’art floral, s’ouvre vers d’autres métiers d’art.
Après la vannerie avec Thin N’Guyen venu spécialement du Viêtnam, c’est Eric Boucher, maître verrier d’art, qui a initié les stagiaires aux techniques de collage du verre par séchage UV, permettant la réalisation de structures en transparence. Une alliance du verre et des fleurs. En 2011, dans ce haut lieu, 42 professeurs ont eu la chance de travailler auprès et avec ces créateurs de renom. Geert Pattyn et Clément Petit, grands stylistes ont fait voyager vers les nouveaux design floraux. Ars Florum permet de se nourrir des passions, apprendre des techniques et des façons de travailler des uns et des autres. La différence devient richesse et l’approche des nouvelles matières prend tout son sens pour renouveler ses aspirations.

Geert Pattyn

Ce maître-fleuriste jouit d’une grande notoriété tant en Belgique qu’à l’étranger. Il est réputé pour son style pur, simple et naturel. “Rester créatif et progresser” est le conseil que Geert tient à prodiguer. La cour d’honneur du château de Valençay s’est embrasée de couleurs avec l’amaryllis, fleur phare de ses créations.

Les professeurs ont décoré les salles de leurs créations…

D’inspiration moderne ou classique, grande ou petite, chacun a laissé libre cours aux jeux de fleurs et de végétaux pour répondre à l’esprit de la pièce. Les explications sur chaque création (pourquoi et comment les réaliser, les difficultés rencontrées de l’espace, le choix des fleurs pour l’alliance avec la pièce, etc.) ont été autant de moments communs d’enrichissements techniques.

L’art floral et la peinture

Il a été organisé une exposition de tableaux de Valérie Lehman et Sandrine Vallée. Les créations florales se sont faites l’écho graphique et ont joué des harmonies des couleurs.

Démonstration dans le petit théâtre : Yvan Poelman

Le petit théâtre du château a ouvert exceptionnellement ses portes aux participants pour un spectacle floral éblouissant. Fine fleur de la fleuristerie gantoise, il apporte un mélange unique de charme et de conception de pointe.

Clément Petit et Geert Pattyn " des lignes dans l’espace "

Clément Petit, jeune médaillé d’or des Olympiades des Métiers (Calgari 2010), un coloriste né, a fait écho à Geert Pattyn pour qui les formes et les structures sont naturelles et modernes. Les démonstrations et les ateliers de Geert Pattyn assisté d’Yvan Poelman et de Clément Petit ont été des grands moments techniques de ce séminaire.

Daniel Ost

En 2011, outre la participation au séminaire annuel, certains professeurs d’Ars Florum ont collaboré avec Daniel Ost, maître incontesté de l’Art floral européen, à sa dernière exposition de San Niklass.

Laurence Pérez, Charlène Caumon

Boston, capitale mondiale de l’Art Floral

La WAFA, World Association of Flower Arrangers, a pour objectif de promouvoir l’art floral à travers le monde. L’Organisation compte aujourd’hui trente pays et sa présidence est assurée, pour une durée de trois ans, par l’un des pays-membre qui a pour mission d’organiser le séminaire et le festival international d’Art Floral.


Le mandat des États-Unis s’est achevé récemment avec un spectacle haut en couleur. Du 15 au 19 juin dernier, la ville de Boston a accueilli la 10e édition du festival et fêté les 30 ans de la WAFA. Les démonstrations d’art floral ont eu lieu dans les diff érents théâtres de la ville. Les participants au concours international ont présenté leurs créations d’art fl oral au Seaport World Trade Center où se sont également déroulées plusieurs conférences. Près de 550 concurrents inscrits dans l’une des 30 catégories ont exprimé leur créativité et leur technique, tout en valorisant la beauté et l’originalité du végétal, afin d’offrir aux nombreux visiteurs une exposition inoubliable.
L’occasion était idéale pour des rencontres entre passionnés, autour et au-delà des fleurs, et des échanges culturels et amicaux riches. Un nouveau pays membre, le Brésil, a été accueilli lors de l’Assemblée Générale. Après le Japon, le Pakistan et les États-Unis, la WAFA revient en Europe. L’Irlande préside la WAFA pour les trois années à venir (2011- 2014) et Dublin sera, en juin 2014, le théâtre du prochain Festival International d’Art Floral.

La France honorée par ses représentantes

Voici les prix obtenus par les concurrentes françaises :

  • Prix de l’Excellence artistique et Premier Prix, catégorie « Caméléon » (bouquet à deux faces) : Marie-Luce Paris
  • Deuxième Prix, catgéorie « Stones » (imposé) : Michèle Enel
  • Deuxième Prix, catégorie « Space » : Nicole Siméon
  • Troisième Prix, catégorie « Seasons » : Geneviève Cuypers et Elisableth Magri

Premier Prix, catégorie « Caméléon » (bouquet à deux faces) : Marie-Luce Paris
Deuxième Prix, catégorie « Space » : Nicole Siméon
Deuxième Prix, catgéorie « Stones » (imposé) : Michèle Enel
Troisième Prix, catégorie « Seasons » : Geneviève Cuypers et Elisableth Magri
Prix de l’Excellence artistique : Marie-Luce Paris

Tour du monde floral

Argentine
Etats-Unis
Irlande
Kenya
Pakistan
Corée

A Celtic Journey

Depuis juin 2011, l’Irlande a la responsabilité de la WAFA (World Association of Flower Arrangers) pour 3 ans, avec la charge d’organiser le 11e concours mondial de la WAFA en juin 2014 et de réunir auparavant les délégués des pays membres de la WAFA pour un séminaire de 9 jours.

Cette année, ce séminaire s’est tenu dans l’ouest de l’Irlande, de Cork au Comté de Clare (10-19 mai). Le Comité WAFA d’Irlande, autour de la présidente Kitty Gallagher et sous la houlette de Mary C. O’Keeffe, a montré sa parfaite efficassité et son total dévouement aux 92 déléguées de 22 pays des cinq continents. La France était représentée par Michèle Enel et Nicole Siméon.
Chaque pays devait faire un grand bouquet pour l’exposition d’ouverture du séminaire dans les salons de l’hôtel Fota Island   de Cork. Ce fut l’occasion de comparer les différents styles traduisant l’art floral mondial, les organisatrices irlandaises ayant pris soin d’imposer le même support et les mêmes dimensions à tous les pays.
Pour la France, Michèle Enel a choisi de traduire la vitalité et la couleur du midi, fier de son carnaval, en superposant un cône de feuilles d’aspidistra vert clair sur un cône de  fil à bonzaï et en faisant danser des fleurs de vanda aux extrémités de faisceaux de Steel Grass enroulés de fil à bonzaï.  L’originalité et la rigueur du travail ont été remarquées en contrastant parmi les autres présentations plus traditionnelles.

Cette exposition ne fut pas l’unique occasion de travailler car 3 ateliers ont été successivement organisés sur le thème des démonstrations :

« Exploring the landscape » par Theresa Collins (paysage), « Nature’s Regenerating Gift of Green » par Eileen Dwyer O’Brien (travail de feuilles) et « It’s all in the box » par Carol Bone (décorer une boule avec les végétaux imposés).

L'art floral Irlandais

Deux autre démonstrations ont complété la présentation de l’art floral en Irlande :
Une de Mary Johannes : « With a little Help from my Garden » et l’autre de Brid Kelleher : « Transformed by Time ». De plus Richard Haslam, célèbre décorateur Irlandais, a offert un prestigieux spectacle floral sur scène  « My Celtic Journey »  suivi le lendemain d’un atelier de bijoux !

Deux concours différents

Les Délégués ont eu l’honneur de juger deux différents concours organisés pour les membres des clubs floraux de l’AOIFA de Cork et de Limerick : intéressant exercice de pouvoir juger au milieu de dix juges de dix pays différents ! Ce séminaire parfaitement organisé et très chaleureux a bien rempli sa double mission : faire travailler ensemble tous les pays membres et permettre de tisser des liens amicaux entre les membres. Certaines participantes ont  depuis 1982 vécu tous les séminaires et ont toujours la même joie de retrouver leurs amies de tous les horizons. Botanique et Horticulture furent au programme avec la visite de  trois jardins très différents : du grand parc dit « à l’Anglaise » (Muckross Garden) au jardin fourmillant de plantes de tous les continents (Mark et Laura Collins Killarney) : le Kerry réchauffé par le Golf Stream a une végétation luxuriante et exotique. Ce voyage Celtique de Cork vers l’ouest  s’est terminé par Le Burren, Parc National. Ici le paysage est fouetté par les vents de l’atlantiques, les plantes se réfugient dans les cavités des roches calcaires et offrent une rare collection de plantes alpines ! Le compte-rendu du voyage ne serait pas complet s’il n’était noté la remarquable qualité de la cuisine et surtout la joyeuse ambiance que crée la musique irlandaise en donnant une terrible envie de danser !
Cette expérience irlandaise permet de croire que le 11e concours mondial de la WAFA « FLORAL ODYSSEY » du 18 au 22 juin 2014 à Dublin sera un événement floral et amical mémorable !

Les fruits moulés de la SNHF

La SNHF possède une très belle collection de fruits moulés dont l’aspect si proche de la nature trouble plus d’un visiteur. Voici l’histoire de cette étonnante collection.

Historique de la collection

1859 : Henri-François Michelin, secrétaire du Comité d’arboriculture de la SNHF, trouve dans une armoire quelques fruits moulés qui avaient été donnés par M. Chevet père. Il met de l’ordre dans la collection et l’augmente peu à peu, grâce, notamment à M. Liron d’Airoles, pomologiste nantais, qui lui fait don de quelques pièces et à M. Lédion.

1861 : la SNHF passe une commande à Théodore Buchetet, peintre et membre de la SNHF, pour la réalisation de nouveaux fruits. La guerre de 1870 et la maladie l’empêcheront de terminer. Après sa mort en 1883, il ne se trouva personne pour reprendre son œuvre.

1869 : la SNHF est en mesure d’exposer dans ses vitrines les spécimens de presque toutes les variétés admises par le Congrès pomologique de France.

1878 et 1889 : présentés à l’Exposition Universelle de Paris, les fruits moulés de la SNHF obtiennent par deux fois la médaille d’or.

1889 : publication du catalogue de la collection par M. Michelin qui souhaitait que la collection devienne un « document d’utilité publique ». Au total, il recensa : 11 abricots, 14 cerises, 5 figues, 42 pêches, 13 brugnons et nectarines, 125 pommes, 34 prunes et 453 poires, soit 697 fruits en plâtre.

2005 : il en reste 300, plus ou moins en bon état.

Technique et usage

Technique : du plâtre fin préparé est mis dans un récipient où l’on trempe le vrai fruit. Lorsqu’il est sec, on remplit le moule avec du plâtre et on laisse sécher. Le moule est ensuite ouvert pour extraire le fruit moulé. Il ne reste plus qu’à ajouter une queue, à peindre et à vernir. La réalité est obtenue grâce à la qualité de la peinture et à de petites imperfections volontaires, comme de petits trous de vers ou des tavelures brunies.

Usage : Ces fruits pouvaient servir aux nombreuses expositions des sociétés savantes horticoles du XIXe siècle, surtout lorsqu’elles avaient lieu hors saison. La collection de la SNHF était très demandée tant par des établissements publics que par des particuliers. Tous les spécialistes furent donc invités à donner leur avis pour améliorer l’aspect scientifique de la collection.

« Elle offre des tableaux parlants qui instruisent dans le présent et qui deviendront des pièces historiques pour l’avenir ».  Rapport de M. Michelin, conservateur des collections en 1861

Ce type de collection est rarissime en France. Actuellement, il n’en existerait que trois en plus de celle de la SNHF :
–     Muséum National d’Histoire Naturelle de Nantes : 268 pièces en cire
– Jardin du Luxembourg : une centaine de poires réalisées récemment
– Collection de Charles Baltet (1830-1908), horticulteur et pépiniériste à Troyes

Lettre de M. Michelin, datée du 11 février 1864, informant le président de la SNHF de l’acquisition de 49 pièces et précisant que M. Buchetet a remis gracieusement en état la collection après son exposition à Londres.

Lettre de M. Buchetet, datée du 10 avril 1861, remerciant la SNHF de l’avoir été choisi comme peintre-mouleur de la collection.

Anne-Sophie Berthon

Manifeste pour une cité verte

Pour nos villes de demain

Le 4 octobre 2011, Val’Hor, interprofession de l’horticulture et du paysage, a rendu public le « Manifeste pour une Cité Verte », fruit de deux ans de réflexions et de travaux menés par le Cercle Cité Verte. L’académicien  Erik Orsenna et Dominique Douard, président de Val’Hor, ont animé un groupe de travail composé de personnalités d’univers très différents. Résultat : 70 propositions et 10 actions prioritaires en vue d’une meilleure intégration du végétal dans les projets publics et privés.

Le manifeste rappelle que :
– Les jardins et les paysages sont des éléments essentiels de nos vies et de nos villes.
– Au cœur du développement économique et social, les jardins comme des paysages réclament des savoirs d’excellence, gages de la croissance verte.
– Il ne sera pas possible d’agir sans la puissance publique, des citoyens, des élus, des professionnels…
– La nécessité de préserver une filière d’excellence menacée.

Des partenariats seront conclus avec les associations d’élus, sur le modèle de celui qui a déjà été signé avec l’Association des maires de France (AMF). « C’est un document ouvert destiné à définir des grandes lignes et grandes actions, mais laisse aux collectivités la possibilité de s’adapter », insiste Dominique Douard qui regroupe la profession. Le « Manifeste pour une Cité Verte » a été officiellement présenté à Nathalie Kosciusco-Morizet, Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable.
www.valhor.com

Jardiner : pourquoi ? Pour qui ?

Qu’est ce que jardiner ? Pourquoi et pour qui jardine-t-on depuis des temps immémoriaux ? Le sens commun indique deux types de raisons, dans toutes les sociétés qui disposent de la notion de jardin. On crée et entretient un jardin pour se nourrir et pour des usages esthétiques et symboliques. Plus il est alimentaire, plus le jardin satisfait des besoins humains organiques essentiels. Plus il est ornemental ou rituel, plus il répond à des usages esthétiques et symboliques.
Dans les deux cas, le jardin adopte les formes d’une relation fonctionnelle et technique à la nature : aux sols, aux climats et aux plantes ; celles que le jardinier par son travail décide de lui donner, parfois en mélangeant les deux finalités. J’aimerais montrer que, quelles que soient les intentions du jardinier, le jardin n’est pas seulement un lieu d’utilités alimentaires, symboliques et ornementales, et par conséquent de contraintes écologiques et techniques, mais également un outil de conquête, et un lieu de libération et de résistance sociale. Et que c’est pour ces raisons qu’il a traversé les âges et les cultures, qu’il a pu se renouveler sans cesse, et qu’il change encore aujourd’hui.

Le jardin comme résistance culturelle au donné naturel

Dans les sociétés primitives qui vivent dans les forêts, le jardin est le lieu de l’échange symbolique avec les esprits. Chez les Achouars, tribu Jivaro de l’Amazonie décrite par l’anthropologue Philippe Descola (2005), il existe des enclos de jardins dont les plantes cultivées (manioc) sont nommées comme si elles appartenaient à la famille. De même, les animaux sauvages chassés tout autour sont désignés comme des parties prenantes de la vie tribale qui dépend d’eux.
Dès que les jardins apparaissent dans la Grèce et la Rome antiques, ou bien dans les royaumes chinois, ils sont subordonnés à la demeure aristocratique comme lieu habité du commerce avec les divinités et les hommes. Face à une nature beaucoup plus hostile qu’aujourd’hui, le jardin symbolise le pouvoir des hommes d’écarter les menaces de la nature, autant que leur capacité à en tirer parti à des fins individuelles ou collectives. Il en sera de même dans la plupart des jardins du monde occidental à partir de la fin du Moyen Âge européen. Soit en faisant appel aux sciences et aux techniques de chaque époque (géométrie, optique, hydraulique, architecture, botanique, etc.), soit à partir du XVIIIsiècle à l’art pictural du paysage dans les jardins dits paysagers, pittoresques ou « de l’homme sensible » (Baridon, 1998).
Dans ces situations, comme l’écrit Sartre (1943), « la réalité humaine rencontre partout des résistances et des obstacles qu’elle n’a pas créés ». En brisant cette adversité, les créateurs des techniques de jardins s’affranchissent du donné naturel (le relief, l’eau, le sol). Ils montrent comment ils peuvent tenir les fins qu’ils s’assignent pour eux et pour leurs commanditaires. Car si le jardin est outil de libération, il est aussi instrument de pouvoir politique.

Le jardin comme outil de conquête culturelle et de pouvoir

Quand la conquête coloniale française s’installe en Afrique du Nord, les urbanistes qui mettent en oeuvre la ville européenne à côté des opl commencent presque partout à mettre en place des jardins publics. Le jardin du Hamma à Alger à partir de 1850 ; le parc du Belvédère en 1890 à Tunis ; le jardin du Triangle de vue, puis le jardin d’essai à Rabat au Maroc dans les années 1910. Certes, les nouvelles idées hygiénistes d’urbanisme étaient en vogue pour lutter contre les graves épidémies qui décimaient les villes traditionnelles partout dans le monde. Elles exigeaient de créer des parcs, des rues et avenues vastes et aérées dans les villes. Mais surtout elles devaient faire face à une autre adversité : la résistance de la culture arabo-islamique à la conquête européenne. Pour cette raison autant urbanistique que politique, le jardin colonial s’est adapté aux situations. D’abord purement utilitaires (des jardins d’acclimatation des plantes cultivées dans les trois capitales), ils sont devenus d’agrément notamment à Tunis et Rabat à l’intention des colons français, espagnols et italiens. Et dans ces derniers cas, en introduisant après le style haussmannien des architectures néo-mauresques témoignant de l’intérêt stratégique du colonisateur pour la culture urbaine maghrébine. D’une manière comparable, les jardins publics européens ont migré vers les villes des colonies espagnoles (Buenos Aires, La Plata), portugaises (Rio de Janeiro), et anglaises (Amérique du Nord, Inde). Imposée aux dépens de celle des sociétés locales, la liberté du colonisateur a fait usage du jardin comme outil au service des États européens et de leurs modèles économiques et urbains. De manière symétrique, les minorités sociales font également usage des jardins comme instruments de (re)-conquête de leurs libertés.

Pierre Donadieu
Professeur émérite, ENSP de Versailles-Marseille
Conférences et échanges Jardiner autrement – Paris 9 février 2012

Des jardins de liberté

En quelques décennies, nos jardins ont cédé aux passions libertaires des jardiniers plus poètes que géomètres. Adieu la ligne droite dont le cordeau était la dernière manifestation de la rectitude et de l’équerre (vieux outils renvoyés au grenier des vieilles lunes). Au revoir les rangs d’oignons… si chers au marquis du même nom. Il n’y a plus de jardins domestiques dont l’âge d’or fut à coup sûr le XIXe siècle et sa bourgeoisie triomphante. Le jardinier allemand, un certain Schoen, en charge des jardins de Monceau à Paris appartenant alors à Louis-Philippe, futur roi des Français, l’exprima lorsque celui-ci, sentant sa gloire prochaine, voulut faire porter à toute sa domesticité le même habit à ses armes. Schoen lui retourna la livrée en déclarant : « Un jardinier ne sera jamais un domestique ». À l’égal du charbonnier maître chez lui, le jardinier est maître dans son jardin et la seule règle qu’il respecte est celle de la nature.

Jardins anglais où, à chaque détour, une surprise attend le visiteur, jardins à la française aux lignes géométriques et aux cultures réduites où les brouettes honorées du postérieur du Roi Soleil avaient seules le droit de se promener… Le Nôtre et La Quintinie furent seuls autorisés à conserver sur la tête leur large chapeau en présence du roi à l’instar des ducs et princes de sang.

La brouette aujourd’hui est prise à bras le corps par les ouvriers qui en ont fait un outil précieux autant que humble. Et maintenant, que devient la ligne droite dans nos jardins ? Est-elle roulée en boule comme un vieux cordeau au fond d’un tiroir ? L’oeil du jardinier est-il le seul instrument de la rectitude ?

En disparaissant, ce signe de la rigueur a libéré la fantaisie qui, comme les enfants, sommeillait en nous. Aujourd’hui, il est de bon ton de jardiner en rond et dans les jardins où les pieds de tomates se dressent parmi les fleurs annuelles, les artichauts s’épanouissent à l’abri de la haie champêtre. Les légumes se marient aux autres cultures et il semble que cela fasse beaucoup de bien à tout le monde. Le jardinier retrouve cette vérité que les plantes ont toujours sue : ensemble, elles se protègent mutuellement des parasites et des maladies dans des proportions non négligeables, faisant mieux que le jardinier ayant encore recours à une chimie destructrice et « tueuse de vie ».

J’interromps ici mon bavardage car un petit pois me téléphone, Napoléon est perché dans le cerisier et la chicorée rentre de son exil bruxellois aussi pâle qu’une endive et le chou de Milan offre sa pomme et la fraîche romaine offre son pain. Tout le jardin est en émoi. L’alguadulce montre un pas de séguedille au petit tarbais, heureux retraité. Le nombril de bonne soeur a l’air fl agada et ne me parlez pas de la Vérone qui parle d’amour à la trévise tandis qu’un gros pétsaï s’amourache d’une mandarine.

Le jardinier est en désordre mais ce n’est qu’un effet de l’art du jardinier en liberté.

Michel Lis
Le jardinier, Moustache Verte
Chroniqueur, reporter, journaliste et auteur
Conférences et échanges Jardiner autrement – Saintes, 16 février 2012

Fourche, bêche ou louchet ?

Quel est le bon outil pour retourner la terre : fourche, bêche ou louchet ?

Principes de base

1. Un bon jardinier a de bons outils.
2. Le choix de l’outil dépend de la nature du sol qui peut être très différent selon les régions.

Les bêches (1)

Conseillées pour les sols légers ou peu collants, sans cailloux.
Pour retourner la terre avant la mise en culture, diviser des souches de vivaces, enfouir le fumier et les amendements divers, transplanter les plants et les petits arbustes.

Les louchets (2)

Permet de travailler les sols lourds collants et argileux plus facilement qu’avec une bêche Pour retourner la terre avant la mise en culture, enfouir le fumier et les amendements divers dans des sols à terre peu caillouteuse, transplanter les plants et les petits arbustes.

Les fourches à bêcher (3)

Pour retourner les sols lourds et caillouteux, et pour travailler la terre proche de végétaux déjà plantés sans abimer leurs racines.

Article de Violaine Holtzmann (Fiskars)
et Dominique Van Straelen

Les zones humides : capitales pour la biodiversité

Ces milieux sont produits par l’accumulation de précipitations répétées sur des sols imperméables ou mal drainés. Des étendues d’eau peu profondes se forment dans des dépressions de terrain, sur les rivages des lacs, des fleuves ou des océans. Elles peuvent aussi être constituées par le bras mort d’un cours d’eau. Le dépôt d’alluvions, qui ralentit le cours des fleuves et des rivières, peut aussi donner naissance à la formation de milieux marécageux.

Les zones humides naturelles

Les marais, marécages, tourbières et mangroves sont les milieux humides les plus riches en biodiversité sont des milieux proches, mais qui ont chacun leurs spécificités.

  • Les marécages sont des étendues d’eau stagnantes, avec une durée temporaire. Ils traversent une période d’assèchement chaque année, en fonction des saisons.
  • Les étangs sont analogues aux marécages, mais la présence d’eau y est continue et permanente.
  • Les marais sont de vastes étendues composées d’étangs et de marécages dans lesquelles se développent une importante végétation aérienne (saules, peupliers, aulnes…)
  • Les tourbières sont formées par l’accumulation de débris végétaux dans des dépressions de terrain où s’accumule de l’eau stagnante.
  • Les mangroves sont typiques des zones tropicales qui sont alternativement couvertes ou découvertes selon les marées.
  • Les lagunes sont des plans d’eau salée ou saumâtre, encastrées dans les terres et constamment ou occasionnellement reliées à la mer.
  • D’autres zones réunissent des conditions proches de celles de ces zones typiquement humides, comme les lacs, le lit des fleuves et des rivières, les deltas et les estuaires. Ces milieux naturels jouent également un rôle important pour la survie des espèces typiques des zones humides.

Les zones humides artificielles

Les zones artificielles créées par l’homme pour différentes raisons peuvent également jouer un rôle dans la préservation des espèces typiques des marais. Il s’agit des canaux, des marais salants, des étangs de pisciculture, des rizières, des lacs de retenue ou des réservoirs d’eau destinés à la régulation des cours d’eau ou à l’irrigation des cultures.

D’autres zones humides ou aquatiques artificielles sont constituées pour l’agrément. Il s’agit des étangs ou des bassins, qui nous intéressent particulièrement pour leurs fonctions esthétiques et écologiques dans les parcs publics ou les jardins d’amateur.

Les bassins et les étangs des parcs publics, par la surveillance particulière dont ils font l’objet dans les périodes de sécheresse assurent la stabilité d’un milieu favorable aux espèces qui s’y installent.

Les mares sont de petits étangs où l’eau est présente tout au long de l’année, même si le niveau d’eau est variable au cours de l’année.

Contrairement aux trous d’eau ou aux étangs piscicoles, les mares sont continuellement en eau, et permettent à la vie sauvage de se développer naturellement à l’intérieur de la mare et sur ses abords.

Les petits étangs et les bassins aménagés dans les jardins d’amateur sont un moyen efficace d’augmenter la biodiversité des jardins, tant dans les milieux urbains qu’à la campagne. Même de taille modeste, ces aménagements forment un vaste réseau qui peut servir de refuge ou de relais à de nombreux animaux.

L'évolution dans le temps et dans l’espace

Les zones humides sont propices à l’apparition d’une flore variée, très spécialisée, avec des préférences marquées pour certaines niches de l’écosystème.
Dans le sol humide, faiblement inondé des berges des étangs ou des mares, qui sont particulièrement riches en éléments nutritifs, on retrouve des plantes particulières comme les joncs (Juncus), roseaux (Phragmites), massettes (Typha) ou iris (iris des marais, Iris pseudacorus).

Plus loin, dans les parties continuellement immergées, on trouve des plantes qui prennent racines dans la vase, mais développent leur feuillage et leurs fleurs à la surface de l’eau. Il s’agit des nénuphars (Nuphar lutea), potamots (Potamogeton), nymphéas (Nymphaea) et des renouées aquatiques (Polygonum).
D’autres plantes comme les sphaignes (Sphagnum), les salvinies (Salvinia natans), les fougères d’eau (Azolla), les lentilles d’eau (Lemna) flottent à la surface des étangs, alors que certains végétaux tels que Myriophyllum, Elodea ou Ceratophyllum vivent complètement submergées.

Au cours du temps, les zones humides finissent naturellement par disparaître, sous l’effet du comblement progressif et de l’installation successive de peuplements végétaux. Ainsi, l’étang qui se forme initialement est une étendue d’eau claire, dépourvue de végétation sur ses rives. Progressivement, la dégradation de déchets végétaux ou animaux s’accumulent et sont dégradés par des bactéries, enrichissant l’eau et les berges en éléments nutritifs.

Ces premiers éléments permettent la vie des algues, qui s’accumulent à leur tour et enrichissent encore le milieu.
Des plantes aquatiques émergent progressivement de l’eau, et l’enchevêtrement de leurs racines favorise l’accumulation des débris végétaux et la formation d’un sol riche. C’est la phase d’envasement ou atterrissement.

Le marais étend progressivement son emprise, la dépression de terrain se comblant peu à peu sous l’effet de l’accumulation de débris. Il finit par disparaître complètement, laissant un sol plat mais saturé en eau, caractérisé par la présence de Carex.

A la fin de cette phase d’évolution, le milieu est profondément transformé. Selon les cas, le terrain forme une tourbière ou un bois de feuillus, dans lequel s’établissent des plantes arborescentes qui affectionnent particulièrement l’eau (saules, aulnes, peupliers).

Les cycles naturels des zones humides

Les milieux humides permettent un développement rapide de la végétation. Cette production,  appelée production primaire, est cinquante fois plus importante dans une zone humide que pour une prairie, et 3 à 8 fois plus importante que celle d’une terre cultivée ou d’une forêt tropicale. La zone humide est donc un milieu particulièrement fertile.

Cette abondance d’éléments nutritifs permet la prolifération de nombreux organismes microscopiques comme les diatomées ou d’autres végétaux unicellulaires. Les premiers habitants du milieu aquatiques permettent l’arrivée et le développement des petits animaux comme les crustacés, les mollusques ou les copépodes.

C’est le point de départ d’une chaîne alimentaire complexe.
Cette abondance de matière organique est extrêmement favorable au développement d’une vie animale intense. La richesse des interactions entre les animaux et les végétaux, dans un milieu riche, constitue un véritable creuset pour la biodiversité.

Les zones humides sont un milieu précaire et menacé, notamment par l’action humaine. Par le comblement des lacs ou des marais, ou l’aménagement des berges des fleuves et des rivières qui empêche la formation de nouvelles zones humides, qui remplaçaient auparavant le phénomène d’atterrissement naturel.

L’installation de zones humides artificielles est par conséquent un moyen efficace, qui vient en soutien des opérations de maintien des zones naturelles. L’avenir de nombreuses espèces animales et végétales est lié au maintien et au développement de ces milieux, et le jardinier amateur peut jouer un rôle important dans cette démarche.

David Lafarge

Les moyens naturels de lutte antiparasitaire

En 1960, La SNHF était déjà à la pointe de la diffusion des connaissances sur la protection des plantes !
Un bon moyen de lutte contre les idées reçues qui, par méconnaissance des sujets abordés, sont trop souvent évoquées. 

Notre revue Jardins de France a publié le texte d’une causerie donnée à la SNHF le Vendredi 29 avril 1960.

Les conférenciers ; Pierre GRISON, universitaire et Daniel MARTOURET, ingénieur horticole, tous deux chercheurs à la station de zoologie INRA de Versailles ont fait  un panorama de l’évolution de la recherche et des applications pratiques, en France et dans le monde sur la protection des plantes, depuis la seconde moitié du 19ème siècle.

De manière simpliste et erronée, on  a tendance à présenter en opposition  le XXème siècle comme étant l’ère du « tout chimique » et le début de notre siècle paré des vertus écologiques centrées sur l’Homme et le respect de son environnement.

Vous découvrirez, à la lecture de cet article que les premières recherches en matière de lutte biologique remontent aux années 1880 et que c’est PASTEUR qui a eu le premier l’idée d’utiliser des micro-organismes pathogènes contre les insectes.

Dès les années 1950, tous les dangers pour l’Homme et les équilibres biologiques de l’emploi massif des antiparasitaires chimiques sont reconnus et le risque de résistances des insectes aux produits chimiques est énoncé.

Dés 1960 toutes les grandes règles d’usage de ce que l’on appelle de nos jours la protection biologique intégrée sont posées :

  •  Le respect des bonnes pratiques, jadis appelées « règles culturales »
  • Les effets du climat
  • Le synchronisme des cycles proies/ prédateurs
  • Les hôtes intermédiaires
  • La flore spontanée refuge
  • Le risque des hyper parasites

La conclusion de cette conférence est d’une étonnante fraîcheur !

 « La conception classique et fort généralisée autrefois (avant 1960!) d’une opposition entre l’emploi de facteurs biologiques et celui de la lutte chimique est maintenant abandonné pour faire place à des formules plus nuancées »

«  Elles peuvent (les méthodes) apporter des solutions, parfois efficaces, mais toujours harmonieuses et satisfaisantes à la fois pour la connaissance biologique des savants et pour l’intérêt économique des collectivités agricoles ».

Eh oui ; ce que l’on ne connaissait pas encore sous le concept de développement durable, à l’époque, avait déjà un pilier économique !

Michel Javoy