Un humanisme de l’horticulture

La plante et la fleur sont une médiation pour le « retour à la nature ». Formes, couleurs et parfums font appel à tous les sens. Nous avons là une EDUCATION DE LA SENSIBILITE. L’histoire fantastique de la plante et de la fleur nous ouvre à la compréhension de l’évolution de la vie sur la terre. Nous pouvons y trouver des leçons de sagesse : c’est en quelque sorte un ENSEIGNEMENT DE LA NATURE. Ce sont là deux exigences fondamentales, vitales, dans un monde dont nous ne maîtrisons pas l’explosion des changements. Le colloque des Prix Nobel a évoqué les menaces et les promesses de ce monde.

Les menaces ? Les comportements humains sont perturbés par l’accélération et l’ampleur des changements. Les promesses ? Elles sont grandes. Nous pouvons créer l’abondance et un monde vivable pour l’humanité toute entière.

Vous trouvez ici le point de vue et la subjectivité d’un pédagogue. J’ai été très frappé, il y a quelques années, par une réaction de l’Association des professeurs de biologie et d’histoire naturelle. Ces enseignants demandent que soit donné aux élèves une compréhension sensible du phénomène de la vie.

Un vaste débat est ouvert. Le public connaît maintenant l’interaction nécessaire des deux hémisphères du cerveau :
– Hémisphère droit : sensibilité, vision, intuition. Nos enseignements dédaignent ces pouvoirs majeurs.
– Hémisphère gauche : langage, abstraction, déduction. Nos enseignements misent surtout sur ces pouvoirs de la pensée. On pourrait dire que notre cerveau ne fonctionne qu’avec sa moitié utilitaire. Il faut donc, en tous milieux, mobiliser les moyens qui permettent de réinvestir le cerveau dans sa fonction millénaire.

L'éducation de la sensibilité

C’est, dans nos sociétés industrielles, la rééducation de l’hémisphère droit. Mais cette sensibilité demande un domaine pour se manifester. La fleur et la plante, la nature dans son acception la plus générale, sont notre recours. Il faut acquérir une vision du phénomène de la vie dans son évolution et dans sa situation actuelle. Voici un paradoxe. Nous ne pouvons pas éduquer la sensibilité si nous n’avons pas le recours au domaine vivant de la nature. Nous ne pouvons pas recevoir l’ENSEIGNEMENT DE LA NATURE si notre sensibilité ne nous y ouvre pas.

Voila pourquoi nous relions nos deux objectifs : éducation de la sensibilité – enseignement de la nature. Comment pouvons-nous les atteindre ? Quel en est le moyen? C’est très simple; Nous savons que les comportements sont influencés par de l’information. Quelle information devons-nous construire pour atteindre ces deux objectifs ? Nous pouvons ouvrir les voies d’une compréhension sensible du phénomène de la vie, L’histoire de la plante et de la fleur éclaire les origines de ce phénomène. La même histoire éclaire l’évolution même de l’espèce humaine.

Imaginons une caverne d’Ali-Baba. Il faut le « Sésame ouvre-toi » pour y pénétrer. La porte, c’est l’histoire de la plante et de la fleur. Une fois dans la caverne, nous pouvons accéder à une vision de l’évolution. Nous pouvons comprendre que par le fait de notre puissance sur les êtres et les choses, nous sommes responsables de l’avenir de la vie sur la terre et par conséquent de l’avenir de l’humanité. Tout se passe comme si dans un plan de la vie – un plan de Dieu pour le croyant – notre espèce devait assumer son propre avenir, mais assumer aussi l’avenir des millions d’espèces végétales et animales qui animent notre Terre.

Revenons à la porte de la caverne. Nous venons de dire qu’elle est ouverte par l’horticulture.  Nous découvrirons la complexité du phénomène de la vie, l’interdépendance de tout le vivant sur la planète, la nécessité de la solidarité… Nous ressentirons l’accélération soudaine de l’évolution de l’humanité. Nous aurons une vue d’ensemble sur le couple « Menaces-Promesses ». Nous ressentirons jusqu’à une sorte d’angoisse notre puissance pratiquement illimitée – la maîtrise du gêne et de l’atome. Nous devons organiser la vie sur la Terre. Nous sommes en quelque sorte le RELAIS DE L’EVOLUTION.

Relais de l'évolution

Alors, où en sommes-nous? Nous sommes dans l’inquiétude. Le grand public en connaît les raisons: dégradation des sols et des mers, de l’atmosphère et de la couche d’ozone, destruction d’espèces animales et végétales, extension de la violence, atteintes à la qualité de la vie, atteintes à la dignité de l’homme…

Il est proclamé qu’il faut construire un « nouvel ordre international de l’économie ». C’est par une vive compréhension du phénomène de la vie et de l’évolution de l’humanité que nous saurons lui donner sa direction. L’économie doit établir la meilleure relation possible entre le vivant et notre planète. Le dilemme : ou bien l’économie tient compte des exigences de l’ personne humaine et des soins que requiert la nature, et dans ce cas elle sera florissante dans l’épanouissement de la société; ou bien elle continuera d’ignorer l’impératif vital du respect de l’homme, de la nature et de la vie, et dans ce cas elle sera malade de la maladie de l’homme, de la maladie de la Nature et finalement malade de la maladie des sociétés industrielles.

La crise. Obsession de l’Avoir. Terrible inégalité Nord/Sud. On oublie l’Etre. On oublie le développement véritable qui est un épanouissement de la personne humaine. Des Valeurs universelles sont proclamées. Des idées sont acceptées. On sait ce qu’il faut faire. Il faut passer à l’acte. Passage qui demande que l’Etre soit saisi tout entier. C’est notre propos. Montrer que nous pouvons transformer les comportements si l’information accède à la conscience par les voies de la sensibilité, du coeur et de l’imagination.

Voilà pourquoi les plantes, les fleurs ont une vocation prédominante. Elles ouvrent la porte de la caverne où l’on découvre les immenses richesses de la vie, que nous ignorons, richesses qu’il faut sauvegarder. Ressentir au plus profond de l’Etre que nous sommes les usufruitiers du patrimoine de la vie qui remonte aux origines. Nous devons nous conduire en gestionnaires. En ce qui nous concerne ici, il faut oser penser qu’il peut, qu’il doit y avoir un HUMANISME DE L’HORTICULTURE.

Un humanisme de l'horticulture

Les orchidées, maîtresses de l’enseignement de la nature. 20.000 espèces. La plus prodigieuse combinaison de formes, de couleurs et de parfums. Il faut lire le livre de Jean-Marie Pelt « Amours et civilisations végétales ». Il montre les origines de la vie dans la plante et la fleur. Une magie de la création. Je le cite. Il dit « L’histoire fantastique de la montée de la vie, de la poussée de la sève dans l’une des branches maîtresses de l’arbre généalogique du monde vivant : le règne végétal. Une histoire où l’on décèle le génie de l’organisation du vivant, la logique de ses structures, de ses hiérarchies, de ses organisations, de ses chronologies, de ses mécanismes et de ses 1ois. »

Permettez-moi de citer encore Jean-Marie Pelt. Il proclame un acte de foi en la vie. Ecoutons: « Non, l’univers n’est point le chaos. Et, si désordre il y a, c’est d’abord dans notre tête qu’il faut l’y chercher! Pauvre cerveau humain, saturé d’informations futiles ou contradictoires et trop absorbé par la nécessité de s’agiter et de courir sans cesse pour pouvoir encore découvrir ce que tous les hommes de tous les temps avaient su voir et exprimer à travers leurs sagesses et leurs religions : à savoir, que l’univers a un sens, qu’un ordre profond le régit et s’impose à nous comme au microbe, à l’animal ou à la fleur. Ce que chaque enfant indien apprend de son père et de sa terre, nous l’avons oublié, préoccupés que nous sommes à manipuler nos ordinateurs et à entretenir à grand frais l’énorme machine à produire et à consommer qu’est devenue notre civilisation. »

Il faut qu’un retour à la nature soit une redécouverte de la sagesse, un retour à nos racines.

Les racines

L’enseignement de la nature, c’est l’enseignement de la vie. Il a primordialement pour objet de nous faire découvrir nos racines dans l’évolution même de la vie. Ces racines commencent dans la fabuleuse création des orchidées. Nous les percevons ensuite dans l’histoire de l’humanité, l’histoire des civilisations, des peuples, des provinces. C’est finalement l’histoire du petit coin dans lequel chacun de nous a vécu, dans lequel il s’est enraciné. C’est à partir de cette référence intime que nous remontons vers un passé qui nous enseigne la sagesse de la vie. Tocqueville l’a ressenti « Si le passé n’éclaire pas l’avenir, disait-il, l’esprit avance dans les ténèbres ». Il faut sauvegarder le passé de la Vie pour en assurer le règne dans les générations futures. Revenons aux orchidées: 20 000 espèces. Citons encore Jean-Marie Pelt : « Comment la vie a-t-elle permis un aussi fabuleux déploiement d’imagination pour aboutir à des êtres végétaux aussi sophistiqués, et qui finissent par nous apparaître comme de tout proches cousins ».

« La Vie, constate J-M. Pelt, n’accumule jamais ses déchets à l’infini : elle les recycle soigneusement, évitant ainsi le risque de s’étouffer sous ses propres déchets. Bel exemple de recyclage que l’écologie offre aux économies des vieux pays industriels qui, ayant déjà épuisé leurs ressources, sont contraints, aujourd’hui, de songer, eux aussi, à recycler leurs déchets pour économiser des matières premières devenues rares et coûteuses« .

J’ai dit que tout le propos était orienté pour l’enseignement de la nature. Entendons cet enseignement pendant qu’il est encore temps. Il faut maîtriser, recycler nos déchets avant que leur encombrement rende la terre invivable. Sans tomber dans le piège de « l’anthropomorphisme » nous découvrons avec un étonnement sans borne ce qui nous apparaît comme « une intelligence de la Vie« .

Les orchidées savent ruser pour assurer la reproduction avec la collaboration de l’insecte. J.M. Pelt constate que « les orchidées mimétiques prennent d’étonnantes précautions pour conserver leur pouvoir de séduction : elles font preuve, ici encore, d’une surprenante féminité, mettant en oeuvre les techniques de maquillage les plus sophistiquées. Pour rester fraîches et attractives durant des semaines et parfois durant des mois, elles se revêtent de fards épais sous forme d’une cuticule élastique et imperméable leur permettant d’affronter le mauvais temps sans dommages. Ainsi, quelques millions d’années avant l’émergence de l’homme, l’orchidée savait combien est grand le rôle du maquillage et du vêtement dans les stratégies de la séduction. »

La maîtrise de la communication

Formes, couleurs, parfums se combinent de multiples façons pour séduire le partenaire mâle. Communication dans le domaine du sensible, l’appel à tous les sens. On peut dire que la fleur est la première agence de communication inventée par la Vie.

Il faut offrir aujourd’hui la fleur de telle manière qu’elle ouvre la sensibilité, le coeur et l’imagination aux problèmes de notre monde. C’est cela même l’objet du couple « éducation de la sensibilité -enseignement de la Nature ».

L’HEMISPHERE DROIT. Nous avons dit en préambule de cet exposé le délaissement de l’hémisphère droit. Une mutilation du vivant. Il faut réanimer l’Etre. Il faut que l’on ressente, dans la profondeur – dans les tripes, dirait l’homme du peuple – la splendeur du phénomène de la Vie. On parle beaucoup des biotechniques, ce pouvoir dans le domaine de la vie. De quel droit intervenir ? Quels critères avons-nous pour orienter notre action sur la Vie dans tous les recoins de la planète ?

La réponse est un acte de soumission à la Vie. Il faut être guidé par Elle. Et nous revenons sans cesse à l’ENSEIGNEMENT DE LA NATURE. « Elle (la nature) nous apprend qu’elle sait faire tout ce que nous faisons, puisqu’elle le fit avant nous … avant de nous faire. Elle est notre modèle. Tout nous unit à elle. Et nous en émergeons (Jean-Marie Pelt) ». Elle enseigne le courage et la dignité.

L'enseignement de la nature

La nature nous enseigne finalement la sagesse de la vie. Etymologie ! VIE – Bio. SAGESSE – Sophie. Le tout : BIOSOPHIE.

LUXE : On voit partout dans nos campagnes les fleurs proliférer dans les espaces les plus insolites. Leur domaine jadis ne dépassait guère les murs qui entourent le château du village. On pourrait donc dire qu’il y a aujourd’hui « un luxe démocratique ». La fleur devient populaire. Voilà une  situation antinomique puisque par définition, le luxe est un bien ou un service coûteux, apanage d,’une population aisée, peu nombreuse et cultivée (tableaux, sculptures, meubles, tapis) : « un luxe aristocratique« .

Voltaire se réjouirait de voir un luxe démocratique. Il disait que « Si l’on entend par luxe tout ce qui est au-delà du nécessaire, le luxe est une suite naturelle des progrès de l’espèce humaine. » Mais les progrès de l’espèce humaine évoquent aussi aujourd’hui la fantastique efficacité des moyens de destruction. Le luxe, aristocratique ou démocratique, demande un progrès dans la paix. Il demande aussi la bonne santé des sociétés. C’est ainsi que des populations de plus en plus nombreuses pourront animer leur environnement par la plante et la fleur : le studio, la terrasse, le jardin intime, le jardin public. Animer des manifestations de toute nature.

La croissance économique permettra d’élever le pouvoir d’achat. Il reste à l’horticulture à inventer de nouvelles fleurs, à les produire en plus grande quantité. Une telle horticulture sera un des moyens d’épanouissement de la personne humaine. C’est dans cette perspective que se justifiera une appellation quelque peu insolite pour le moment : UN HUMANISME DE L’HORTICULTURE.

Il faut offrir aujourd’hui la fleur de telle manière qu’elle ouvre la sensibilité, le coeur et l’imagination aux problèmes de notre monde.

Ce texte a été écrit en 1988 par Henri Delbard, président de la SNHF avec son ami philosophe, Henri Charnay.

Soutenance d’une Thèse d’histoire à la SNHF: Les pépinières en France

C’est au sein de l’École des hautes études en sciences sociales que Michel TRAVERSAT a choisi de préparer une thèse de doctorat sur l’histoire des pépinières en France.

A l’initiative de la section Arbres et arbustes d’ornement, la réunion de soutenance publique a pu avoir lieu le 27 juin 2001 dans le grand amphithéâtre de la SNHF, sous la présidence érudite de Michel COINTAT.

Le jury comprenait Marie-Noëlle MICHEL (Université Paris XIII), Maurice AYMARD (Maison des sciences de l’homme), Gérard BEAUR (C.N.R.S) , Norbert PARGUEL (Université Paris VII) et Gilles POSTEL-VINAY (I.N.R.A).

Le travail doctoral s’ouvre sur un aperçu de la transformation de l’art des jardin de la fin du Moyen Âge à nos jours, pour pouvoir ensuite mieux étudier la place des végétaux dans l’agencement des sites.
La plus grande partie du recueil est ensuite consacrée à une présentation des pépiniéristes du XVIIe au XIXe siècle.
Une monographie sur les « marchands d’arbres » de Vitry-sur-Seine offre notamment une découverte du monde de la production à cette époque.

M. TRAVERSAT entraîne enfin son lecteur dans un tour de France des pépinières : la dernière partie de la thèse est une sorte d’annuaire descriptif des producteurs au sein des différentes régions. Parmi les sources mises à contribution dans son travail se trouvent les catalogues de plantes. Ces documents sont un legs essentiel des pépiniéristes du passé, et ils demeurent toujours la vitrine, si l’on peut dire, des professionnels contemporains.

La thèse met en relief leur utilité pour l’histoire de l’horticulture et laisse la porte ouverte à d’autres travaux. L’auteur incite notamment les chercheurs à prolonger l’analyse de cette masse de publications au sein d’un certain nombre de lieux où ces documents ont été conservés, mais où ils sont pour le moment bien peu étudiés : à la Bibliothèque nationale de France (service des recueils, cote S-33), à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle et au Service des cultures du même établissement, à l’Académie d’agriculture, à la S.N.H.F, etc.

Une autre des sources exploitées par M. TRAVERSAT réside dans les bulletins des sociétés d’horticulture, documents précieux permettant de suivre l’évolution de l’utilisation des ligneux et des végétaux de tout genre. Le monde de la recherche et les dispositifs universitaires ne se recoupent pas toujours. C’est pourquoi il est parfois difficile de faire reconnaître des travaux savants qui ne correspondent pas à une spécialité de faculté.

Les chercheurs doivent donc s’adresser à des structures para-universitaires beaucoup plus libres dans leurs champs d’investigations, comme l’E.H.E.S.S.

Ainsi en est-il du vaste thème de l’histoire des jardins, mémoire de pratiques, de réalisations et de débats, toujours actuels.

Norbert PARGUEL et Antoine JACOBSOHN

Michel TRAVERSAT, Les Pépinières. Etude sur les jardins français , sur les jardiniers et les pépiniéristes (1600-1900).
Thèse d’histoire, directeur : Maurice Aymard. École des hautes études en sciences sociales, juin 2001, 692 + 98 p.

Fragment pour un dictionnaire des termes d’usage en botanique

Pastel de Quentin de La Tour

Ce texte de Jean-Jacques Rousseau, introductif à son dictionnaire de botanique, est intéressant à plus d’un titre. Outre la mise en évidence de la position personnelle de l’auteur par rapport à la science des plantes, considérée à la fois comme un délassement et comme un exercice d’encyclopédiste, la publication se situe à une époque pré-horticole où le jardinage joue pourtant un rôle fondamental dans l’élaboration de la classification du monde végétal.

Il ne reste, à cette époque, de la classification de Tournefort, que la notion de genre ; la classification sexuelle de Linné commence seulement à se généraliser. Elle sera usitée jusqu’à la fin du XIXème siècle, y compris dans bon nombre d’ouvrages horticoles ; la méthode naturelle, mise au point par Adrien de Jussieu pour la plantation du Trianon, ne tardera pas à être vulgarisée, en 1789, par son neveu Antoine Laurent, mais ne s’imposera que tardivement dans l’enseignement de la botanique.

Daniel Lejeune

FRAGMENT POUR UN DICTIONNAIRE DES TERMES D'USAGE EN BOTANIQUETFRAGMENT POUR UN DICTIONNAIRE DES TERMES D'USAGE EN BOTANIQUE

Le premier malheur de la botanique est d’avoir été regardée dès sa naissance comme une partie de la médecine. Cela fit qu’on ne s’attacha qu’à trouver ou supposer des vertus aux plantes, et qu’on négligea la connoissance des plantes mêmes ; car comment se livrer aux courses immenses et continuelles qu’exige cette recherche, et en même temps aux travaux sédentaires du laboratoire, et aux traitements des malades, par lesquels on parvient à s’assurer de la nature des substances végétales, et de leurs effets dans le corps humain ? Cette fausse manière d’envisager la botanique en a long-temps rétréci l’étude, au point de la borner presque aux plantes usuelles, et de réduire la chaîne végétale à un petit nombre de chaînons interrompus ; encore ces chaînons mêmes ont-ils été très mal étudiés, parce qu’on y regardoit seulement la matière, et non pas l’organisation. Comment se seroit-on beaucoup occupé de la structure organique d’une substance, ou plutôt d’une masse ramifiée, qu’on ne songeoit qu’à piler dans un mortier ? On ne cherchoit des plantes que pour trouver des remèdes ; on ne cherchoit pas des plantes, mais des simples. C’étoit fort bien fait, dira-t-on ; soit : mais il n’en a pas moins résulté que, si l’on connoissoit fort bien les remèdes, on le laissoit pas de connoître fort mal les plantes, et c’est tout ce que j’avance ici.

La botanique n’étoit rien : il n’y avoit point d’étude de la botanique, et ceux qui se piquoient le plus de connoître les plantes n’avoient aucune idée ni de leur structure, ni de l’économie végétale. Chacun connoissoit de vue cinq ou six plantes de son canton, auxquelles il donnoit des noms au hasard, enrichis de vertus merveilleuses qu’il lui plaisoit de leur supposer ; et chacune de ces plantes changée en panacée universelle suffisoit seule pour immortaliser tout le genre humain. Ces plantes, transformées en baume et en emplâtres, disparoissoient promptement, et faisoient bientôt place à d’autres, auxquelles de nouveaux venus, pour se distinguer, attribuoient les mêmes effets. Tantôt c’étoit une plante nouvelle qu’on décoroit d’anciennes vertus, et tantôt d’anciennes plantes proposées sous de nouveaux noms suffisoient pour enrichir de nouveaux charlatans. Ces plantes avoient des noms vulgaires, différents dans chaque canton ; et ceux qui les indiquoient pour leurs drogues ne leur donnoient que des noms connus tout au plus dans le lieu qu’ils habitoient ; et quand leurs récipés couroient dans d’autres pays, on ne savoit plus de quelle plante il y étoit parlé ; chacun en substituoit une à sa fantaisie, sans autre soin que de lui donner le même nom. Voilà tout l’art que les Myrepsus, les Hildegardes, les Suardus, les Villanova, et les autres docteurs de ces temps-là, mettoient à l’étude des plantes dont ils ont parlé dans leurs livres ; et il seroit difficile peut-être au peuple, d’en reconnoître une seule sur leurs noms ou sur leurs descriptions.

A la renaissance des lettres, tout disparut pour faire place aux anciens livres : il n’y eut plus rien de bon et de vrai que ce qui étoit dans Aristote et dans Gallien. Au lieu d’étudier les plantes sur la terre, on ne les étudioit plus que dans Pline et Dioscoride ; et il n’y a rien si fréquent dans les auteurs de ces temps-là que d’y voir nier l’existence d’une plante par l’unique raison que Dioscoride n’en a pas parlé. Mais ces doctes plantes, il falloit pourtant les trouver en nature pour les employer selon les préceptes du maître. Alors on s’évertua ; l’on se mit à chercher, à observer, à conjecturer ; et chacun ne manqua pas de faire tous ses efforts pour trouver dans la plante qu’il avoit choisie les caractères décrits dans son auteur ; et, comme les traducteurs, les commentateurs, les praticiens, s’accordoient rarement sur le choix, on donnoit vingt noms à la même plante, et à vingt plantes le même nom, chacun soutenant que la sienne étoit véritable, et que toutes les autres, n’étant pas celles dont Dioscoride avoit parlé, devoient être proscrites de dessus la terre. De ce conflit résultèrent enfin des recherches, à la vérité plus attentives, et quelques bonnes observations qui méritèrent d’être conservées, mais en même temps un tel chaos de nomenclature, que les médecins et les herboristes avoient absolument cessé de s’entendre entre eux. Il ne pouvoit plus y avoir communication de lumières, il n’y avoit plus que des disputes de mots et de noms, et même toutes les recherches et descriptions utiles étoient perdues, faute de pouvoir décider de quelle plante chaque auteur avoit parlé.

Il commença pourtant à se former de vrais botanistes, tels que Clusius, Cordus, Césalpin, Gesner, et à se faire de bons livres, et instructifs, sur cette matière, dans lesquels même on trouve déjà quelques traces de méthode. Et c’étoit certainement une perte que ces pièces devinssent inutiles et inintelligibles par la seule discordance des noms. Mais de cela même que les auteurs commencoient à réunir les espèces et à séparer les genres, chacun selon sa manière d’observer le port et la structure apparente, il résulta de nouveaux inconvénients et une nouvelle obscurité, parce que chaque auteur, réglant sa nomenclature sur sa méthode, créoit de nouveaux genres, ou séparoit les anciens, selon que le réquéroit le caractère des siens : de sorte qu’espèces et genres, tout étoit tellement mêlé, qu’il n’y avoit presque pas de plante qui n’eût autant de noms différents qu’il y avoit d’auteurs qui l’avoient décrite, ce qui rendoit l’étude de la concordance aussi longue et souvent plus difficile que celle des plantes mêmes.

Enfin parurent ces deux illustres frères qui ont plus fait eux seuls pour le progrès de la botanique que tous les autres ensemble qui les ont précédés et même suivis, jusqu’à Tournefort : hommes rares, dont le savoir immense, et les solides travaux, consacrés à la botanique, les rendent dignes de l’immortalité qu’ils leur ont acquise ; car, tant que cette science naturelle ne tombera pas dans l’oubli, les noms de Jean et de Gaspard Bauhin vivront avec elle dans la mémoire des hommes.

Ces deux hommes entreprirent, chacun de son côté, une histoire universelle des plantes ; et, ce qui se rapporte plus immédiatement à cet article, ils entreprirent l’un et l’autre d’y joindre une synonymie, c’est-à-dire une liste exacte des noms que chacune d’elles portoit dans tous les auteurs qui les avaient précédés. Ce travail devenoit absolument nécessaire pour qu’on pût profiter des observations de chacun d’eux ; car, sans cela, il devenoit presque impossible de suivre et démêler chaque plante à travers tant de noms différents. L’aîné a exécuté à peu près cette entreprise dans les trois volumes in-folio qu’on a imprimés après sa mort, et il y a joint une critique si juste, qu’il s’est rarement trompé dans ses synonymies.

Le plan de son frère étoit encore plus vaste, comme il paroît par le premier volume qu’il en a donné, et qui peut faire juger de l’immensité de tout l’ouvrage, s’il eût eu le temps de l’exécuter : mais, au volume près dont je viens de parler, nous n’avons que les titres du reste dans son Pinax ; et ce Pinax, fruit de quarante ans de travail, est encore aujourd’hui le guide de tous ceux qui veulent travailler sur cette matière, et consulter les anciens auteurs.

Comme la nomenclature des Bauhin n’étoit formée que des titres de leurs chapitres, et que ces titres comprenoient ordinairement plusieurs mots, de là vient l’habitude de n’employer pour noms de plantes que des phrases louches assez longues, ce qui rendoit cette nomenclature non seulement traînante et embarrassante, mais pédantesque et ridicule. Il y auroit à cela, je l’avoue, quelque avantage, si ces phrases avoient été mieux faites ; mais, composées indifféremment des noms des lieux d’où venoient ces plantes, des noms des gens qui les avoient envoyées, et même des noms d’autres plantes avec lesquelles on leur trouvoit quelque similitude, ces phrases étoient des sources de nouveaux embarras et de nouveaux doutes, puisque la connoissance d’une seule plante exigeoit celle de plusieurs autres, auxquelles sa phrase renvoyoit, et dont les noms n’étoient pas plus déterminés que le sien.

Cependant les voyages de long cours enrichissoient incessamment la botanique de nouveaux trésors ; et tandis que les anciens noms accabloient déjà la mémoire, il en falloit inventer de nouveaux sans cesse pour les plantes nouvelles qu’on découvroit. Perdus dans ce labyrinthe immense, les botanistes, forcés de chercher un fil pour s’en tirer, s’attachèrent enfin sérieusement à la méthode. Herman, Rivin, Ray, proposèrent chacun la sienne ; mais l’immortel Tournefort l’emporta sur eux tous : il rangea le premier, systématiquement, tout le règne végétal, et réformant en partie la nomenclature, le combina par ses nouveaux genres avec celle de Gaspard Bauhin. Mais loin de la débarrasser de ses longues phrases, ou il en ajouta de nouvelles, ou il chargea les anciennes des additions que sa méthode le forçoit d’y faire. Alors s’introduisit l’usage barbare de lier les nouveaux noms aux anciens par un qui quœ quod contradictoire, qui d’une même plante faisoit deux genres tout différents.

Dens leonis qui pilosella folio minus villoso : Doria quæ jacobœa orientalis limonii folio : Titanokeratophyton quod litophyton marinum albicans. Ainsi la nomenclature se chargeoit ; les noms des plantes devenoient non seulement des phrases, mais des périodes. Je n’en citerai qu’un seul, de Plukenet, qui prouvera que je n’exagère pas. « Gramen myloicophorum carolinianum, seu gramen altissimum, paniculata maxima speciosa, e spicis majoribus compressiusculis utrinque pinnatis blattam molendariam quodammodo referentibus, composita, foliis convolutus mucronatis pungentibus« . Almag. 137

C’en étoit fait de la botanique si ces pratiques eussent été suivies. Devenue absolument insupportable, la nomenclature ne pouvoit plus subsister dans cet état, et il falloit de toute nécessité qu’il s’y fît une réforme, ou que la plus riche, la plus aimable, la plus facile des trois parties de l’histoire naturelle fût abandonnée. Enfin M. Linnæus, plein de son système sexuel, et des vastes idées qu’il lui avoit suggérées, forma le projet d’une refonte générale dont tout le monde sentoit le besoin, mais dont nul n’osoit tenter l’entreprise. Il fit plus, il l’exécuta ; et, après avoir préparé, dans son Critica botanica, les règles dans lesquelles ce travail devoit être conduit, il détermina, dans son Genera plantarum, les genres des plantes, ensuite les espèces dans son Species ; de sorte que, gardant tous les anciens noms qui pouvoient s’accorder avec ces nouvelles règles, et refondant tous les autres, il établit enfin une nomenclature éclairée, fondée sur les vrais principes de l’art, qu’il avoit lui-même exposés. Il conserva tous ceux des anciens genres qui étoient vraiment naturels ; il corrigea, simplifia, réunit ou divisa les autres, selon que le requéroient les vrais caractères ; et, dans la confection des noms, il suivoit, quelquefois même un peu trop sévèrement, ses propres règles. A l’égard des espèces, il falloit bien, pour les déterminer, des descriptions et des différences ; ainsi les phrases restoient toujours indispensables, mais s’y bornant à un petit nombre de mots techniques bien choisis et bien adaptés, il s’attacha à faire de bonnes et brèves définitions tirées des vrais caractères de la plante, bannissant rigoureusement tout ce qui lui étoit étranger. Il fallut pour cela créer, pour ainsi dire, à la botanique une nouvelle langue qui épargnât ce long circuit de paroles qu’on voit dans les anciennes descriptions. On s’est plaint que les mots de cette langue n’étoient pas tous dans Cicéron. Cette plainte auroit un sens raisonnable, si Cicéron eût fait un traité complet de botanique. Ces mots cependant sont tous grecs ou latins, expressifs, courts, sonores, et forment même des constructions élégantes par leur extrême précision. C’est dans la pratique journalière de l’art qu’on sent tout l’avantage de cette nouvelle langue, aussi commode et nécessaire aux botanistes qu’est celle de l’algèbre aux géomètres.

Jusque là M. Linnæus avoit déterminé le plus grand nombre des plantes connues, mais il ne les avoit pas nommées ; car ce n’est pas nommer une chose que de la définir : une phrase ne sera jamais un vrai mot, et n’en sauroit avoir l’usage. Il pourvut à ce défaut par l’invention des noms triviaux qu’il joignit à ceux des genres pour distinguer les espèces. De cette manière le nom de chaque plante n’est composé jamais que de deux mots ; et ces deux mots seuls, choisis avec discernement et appliqués avec justesse, font souvent mieux connoître la plante que ne faisoient les longues phrases de Micheli et de Plukenet. Pour la connoître mieux encore et plus régulièrement, on a la phrase qu’il faut savoir sans doute, mais qu’on n’a plus besoin de répéter à tout propos lorsqu’il ne faut que nommer l’objet.

Rien n’étoit plus maussade et plus ridicule lorsqu’une femme, ou quelqu’un de ces hommes qui leur ressemblent, vous demandois le nom d’une herbe ou d’une fleur dans un jardin, que la nécessité de cracher en réponse une longue enfilade no mots latins, qui ressembloient à des évocations magiques ; inconvénient suffisant pour rebuter ces personnes frivoles d’une étude charmante, offerte avec un appareil aussi pédantesque.

Quelque nécessaire, quelque avantageuse que fût cette réforme, il ne falloit pas moins que le profond savoir de M. Linnæus pour la faire avec succès, et que la célébrité de ce grand naturaliste pour la faire universellement adopter. Elle a d’abord éprouvé de la résistance, elle en éprouve encore ; cela ne sauroit être autrement : ses rivaux dans la même carrière regardent cette adoption comme un aveu d’infériorité qu’ils n’ont garde de faire ; sa nomenclature paroît tenir tellement à son système, qu’on ne s’avise guère de l’en séparer ; et les botanistes du premier ordre qui se croient obligés par hauteur de n’adopter le système de personne, et d’avoir chacun le sien, n’iront pas sacrifier leurs prétentions aux progrès d’un art dont l’amour dans ceux qui le professent est rarement désintéressé.

Les jalousies nationales s’opposent encore à l’admission d’un système étranger. On se croit obligé de soutenir les illustres de son pays, surtout lorsqu’ils ont cessé de vivre ; car même l’amour-propre, qui faisoit souffrir avec peine leur supériorité durant leur vie, s’honore de leur gloire après leur mort.

Malgré tout cela, la grande commodité de cette nouvelle nomenclature, et son utilité, que l’usage a fait connoître, l’ont fait adopter presque universellement dans toute l’Europe, plus tôt ou plus tard à la vérité, mais enfin à peu près partout, et même à Paris. M. de Jussieu vient de l’établir au Jardin du Roi, préférant ainsi l’utilité publique à la gloire d’une nouvelle refonte, que sembloit demander la méthode des familles naturelles, dont son illustre oncle est l’auteur. Ce n’est pas que cette nomenclature linnéenne n’ait encore ses défauts, et ne laisse de grandes prises à la critique ; mais, en attendant qu’on en trouve une plus parfaite, à qui rien ne manque, il vaut cent fois mieux adopter celle-là que de n’en avoir aucune, ou de retomber dans les phrases de Tournefort ou de Gaspard Bauhin. J’ai même peine à croire qu’une meilleure nomenclature pût avoir désormais assez de succès pour proscrire celle-ci, à laquelle les botanistes de l’Europe sont déjà tout accoutumés ; et c’est par la double chaîne de l’habitude et de la commodité qu’ils y renonceroient avec plus de peine encore qu’ils n’en eurent à l’accepter. Il faudroit, pour opérer ce changement, un auteur dont le crédit effaçat celui de M. Linnæus, et à l’autorité duquel l’Europe entière voulût se soumettre une seconde fois, ce qui me paroît difficile à espérer ; car si son système, quelque excellent qu’il puisse être, n’est adopté que par une seule nation, il jettera la botanique dans un nouveau labyrinthe, et nuira plus qu’il ne servira.

Le travail même de M. Linnæus, bien qu’immense, reste encore imparfait, tant qu’il ne comprend pas toutes les plantes connues, et tant qu’il n’est pas adopté par tous les botanistes sans exception ; car les livres de ceux qui ne s’y soumettent pas exigent de la part des lecteurs le même travail pour la concordance auquel ils étoient forcés pour les livres qui ont précédé. On a obligation à M. Crantz, malgré sa passion contre M. Linnæus, d’avoir, en rejetant son système adopté, sa nomenclature. Mais M. Haller, dans son grand et excellent Traité des plantes alpines, rejette à la fois l’un et l’autre ; et M. Adanson fait encore plus : il prend une nomenclature toute nouvelle, et ne fournit aucun renseignement pour y rapporter celle de M. Linnæus. M. Haller cite toujours les genres et quelquefois les phrases des espèces de M. Linnæus ; mais Adanson n’en cite jamais ni genre ni phrase. M. Haller s’attache à une synonymie exacte, par laquelle, quand il n’y joint pas la phrase de M. Linnæus, on peut du moins la trouver indirectement par le rapport des synonymies. Mais M. Linnæus et ses livres sont tout-à-fait nuls pour M. Adanson et pour ses lecteurs ; il ne laisse aucun renseignement par lequel on s’y puisse recconnoître : ainsi il faut opter entre M. Linnæus et M. Adanson, qui l’exclut sans miséricorde, et jeter tous les livres de l’un ou de l’autre au feu, ou bien il faut entreprendre un nouveau travail, qui ne sera ni court ni facile, pour faire accorder deux nomenclatures qui n’offrent aucun point de réunion. De plus, M. Linnæus n’a point donné une synonymie complète. Il s’est contenté, pour les plantes anciennement connues, de citer les Bauhin et Clusius, et une figure de chaque plante. Pour les plantes exotiques découvertes récemment, il cité un ou deux auteurs modernes, et les figures de Rheedi, de Rumphius, et quelques autres, et s’en est tenu là. Son entreprise n’exigeoit pas de lui une compilation plus étendue, et c’étoit assez qu’il donnât un seul renseignement sûr pour chaque plante dont il parloit.

Tel est l’état actuel des choses. Or, sur cet exposé, je demande à tout lecteur sensé comment il est possible de s’attacher à l’étude des plantes en rejetant celle de la nomenclature. C’est comme si l’on vouloit se rendre savant dans une langue sans vouloir en apprendre les mots. Il est vrai que les noms sont arbitraires, que la connoissance des plantes ne tient point nécessairement à celle de la nomenclature, et qu’il est aisé de supposer qu’un homme intelligent pourroit être un excellent botaniste, quoiqu’il ne connût pas une seule plante par son nom ; mais qu’un homme seul, sans livres et sans aucun secours des lumières communiquées, parvienne à devenir de lui-même un très médiocre botaniste, c’est une assertion ridicule à faire, et une entreprise impossible à exécuter. Il s’agit de savoir si trois cents ans d’études et d’observations doivent être perdus pour la botanique, si trois cents volumes de figures et de descriptions doivent être jetés au feu, si les connoissances acquises par tous les savants qui ont consacré leur bourse, leur vie et leurs veilles à des voyages immenses, coûteux, pénibles et périlleux, doivent être inutiles, à leurs successeurs, et si chacun partant toujours de zéro pour son premier point, pourra parvenir de luimême aux mêmes connoissances qu’une longue suite de recherches et d’études a répandues dans la masse du genre humain. Si cela n’est pas, et que la troisième et plus aimable partie de l’histoire naturelle mérite l’attention des curieux, qu’on me dise comment on s’y prendra pour faire usage des connoissances ci-devant acquises, si l’on ne commence par apprendre la langue des auteurs, et par savoir à quels objets se rapportent les noms employés par chacun d’eux. Admettre l’étude de la botanique, et rejeter celle de la nomenclature, c’est donc tomber dans la plus absurde contradiction.

J.-J. Rousseau, 1781

Archives de jardins sur la Côte d’Azur

L’âge d’or des jardins sur la Riviera s’étend sur un demi-siècle : 1880 – 1930. Certains historiens avancent qu’on trouve là, sur ce seul littoral du département des Alpes Maritimes, près du tiers des créations de jardins pour toute l’Europe à cette époque. Les membres de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie européenne qui avaient coutume d’hiverner dans cette région, s’étaient attachés à l’édification de résidences aussi fastueuses que celles dont ils disposaient dans leurs pays d’origine. Une substantielle documentation nous en a été conservée, incomparablement supérieure à celle relative aux autres créations de la même période.

Le présent exposé qui recense les principaux sites de conservation n’est pas exclusif. Pour des recherches ciblées il existe nombre d’autres sources d’informations, tant publiques que privées.

Archives publiques

Archives municipales de Cannes.

Il s’agit de la plus riche institution documentaire de la Riviera, quoique plus particulièrement vouée à la région cannoise.
Parmi les trésors qu’on y trouve, figurent les archives de l’ancienne agence immobilière ANDRAU : quelques 2000 dossiers de villas (dont un bon tiers comportant un recueil photographique) couvrant la première moitié du XXéme siècle ; leur descriptif figure sur le site internet de l’institution, l’un des plus riches que nous connaissions.

Archives départementales des Alpes Maritimes à Nice.

Elles furent (et demeurent) avec la BNF de Paris, l’un des dépositaires obligatoires des périodiques édités sur la Riviera. Les catalogues sont disponibles sur internet.

Bibliothèque Cessole à Nice.

Important fonds sur le XIXème siècle.

DRAC / Service de l’inventaire (Marseille).

Depuis près de 20 ans le regretté François FRAY et ses collaborateurs ont entrepris de sillonner le terrain, et d’élaborer de soigneux dossiers sur les sites d’intérêt qu’ils rencontrent. L’œuvre de F. FRAY notamment, recense au fil de près d’une décennie de travail sur la seule ville de Cannes, un peu plus de 400 villas, dont une soixantaine de sites historiques comportant descriptif détaillé et photographies aériennes

Base Mérimée, accessible sur le site internet du Ministère de la Culture.

Périodiques de la Belle Epoque

La Bibliographie de la presse française éditée dans les Alpes Maritimes sous la IIIéme République, regroupe près de 1500 titres, soit un volume de publications comparable pour la même époque, à celui de la presse éditée sur Paris.

Les périodiques locaux les plus réputés semblent avoir été La saison de Cannes et Menton and Monte Carlo news. L’un comme l’autre a publié nombre de monographies de jardins, tout comme les grands périodiques mondains du moment : L’Illustration, Vogue (l’édition états-unienne aussi bien que l’édition française : les séries étaient autonomes, et lorsqu’elles ont publié les mêmes monographies, les clichés furent généralement différents), mais aussi Art et industrie, publication des promoteurs de « l’art nouveau » à Nancy, puis Country life et surtout Vie à la campagne.

A une époque où la fortune était encore largement terrienne, et où les propriétaires résidaient dans leurs châteaux, Country life en Angleterre ־la revue vit toujours־ puis Vie à la Campagne en France (ce titre n’est que la démarque du précédent) visaient à apporter à leur lectorat une information sur les produits et services de luxe, notamment sur les grandes créations de jardin, celles de la Riviera au premier titre : on compte une soixantaine de monographies pour Vie à la campagne, et une trentaine pour Country life, toutes abondamment illustrées.

Enfin il convient de mentionner ici les périodiques des sociétés d’horticulture locales, dont l’ensemble des dépôts inventoriés au sein des sites de conservation français, est encore loin de former pour chacun de ces périodiques une collection complète des parutions :

  •  Bulletin de la Société d’horticulture de Cannes (1865-1935).
  • Bulletin de la Société d’horticulture pratique de Nice.
  • Petite revue agricole et horticole du littoral (Antibes).On ajoutera à ces publications la collection des Guides JOANNE pour la Provence et la Côte d’Azur, ancêtres des actuels Guides bleus toujours publiés chez Hachette qui recensaient à la Belle Epoque les grandes propriétés de la Riviera, mentionnant au passage celles dont les jardins étaient accessibles à la visite.

Archives photographiques

Archives des périodiques

La librairie Hachette conserve dans ses fonds près de 40 millions de clichés, liés à la foule des revues qu’elle a diffusée au cours de son histoire.
Malheureusement il n’en existe pas d’inventaire détaillé. Nous avons retrouvé les maquettes de la série exceptionnelle de Vie à la campagne (une centaine de livraisons) mais le contenu de la prodigieuse photothèque de la revue, si elle a été conservée, demeure noyé dans la masse.
A l’inverse, la Picture library de Country life dispose non seulement de tous les clichés publiés, mais aussi de tous ceux qu’elle a acquis sans les avoir utilisés.

Photographes locaux

Les 20.000 clichés subsistant de l’opérateur Niçois Jean GILETTA (1856-1933) sont déposés dans quatre fonds principaux.
Une large part des 10.000 plaques en possession du Ministère de la culture, a fait l’objet d’une numérisation et figure sur la base Mémoire du Ministère de la culture.

On y trouve plusieurs centaines de photographies des propriétés de la Riviera, dont un grand nombre a aujourd’hui disparu. Les hivernants étrangers, tout comme les animateurs des périodiques mondains anglo-saxons, recouraient préférentiellement aux services du photographe Mentonnais G. BALLANCE, qui regagna l’Ecosse dans les années 1930 après quarante années de travail sur la Riviera. Ses collections n’ont pour l’instant pas été retrouvées (à l’exception de ses contributions pour Country life) et nos échanges avec ses héritiers sont demeurés sans réponse.

Ce praticien de notoriété européenne sous la Belle Epoque, apparaît en outre ignoré des grandes institutions britanniques. Les travaux des frères DETAILLE, actifs dans la première moitié du XXéme siècle, mériteraient certainement d’être mieux connus : le fonds niçois a été légué à la Principauté de Monaco, et le fonds marseillais demeure propriété de la branche familiale locale, toujours en activité ; malheureusement ils sont tous deux inaccessibles.

La société TRANSACPHOT spécialisée dans la photographie aérienne, a réalisé dans les années 1960 plusieurs milliers de clichés sur les villas de la Côte d’Azur. Bien que récents ces clichés de grande qualité ont néanmoins été effectués à une époque où l’urbanisation et le goût du jour n’avaient pas encore opéré les ravages que l’on a observé depuis. Ce fonds a été acquis par les Archives départementales des Alpes Maritimes et du Var.

Archives de paysagistes et d'architectes de la Riviera

De source fiable, les dossiers professionnels de Aaron et Gaston MESSIAH, édificateurs d’une foule de villas et de jardins prestigieux sur la Riviera, ont été détruits. Un mémorial familial qui nous fut remis par le gendre de G. MESSIAH, a été déposé à la Bibliothèque nationale.

Les archives françaises de Harold PETO, de notre point de vue le plus talentueux des paysagistes de la vieille Riviera, par ailleurs fréquemment associé aux MESSIAH, n’ont pas été retrouvées.
H. PETO avait toutefois regagné l’Angleterre peu après le 1er conflit mondial, mais sa propriété de Iford Manor en Angleterre ne conserve aucun papier, ayant été bombardée pendant la dernière guerre.

Les dossiers de Raffaele MAINELLA sont toujours en possession de sa famille, à Venise. Ceux de Octave GODARD sont généralement considérés comme perdus ; sa correspondance avec Paul GIROD alors promoteur cannois, permet toutefois de retracer le début de sa carrière (Recension effectuée par T. JEANGEORGES pour la revue Polia , n°4 -2005).

L’on ne dispose pas d’informations fiables sur les archives de Jacques GREBER ; l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris (aujourd’hui Paris XII) conserve toutefois un certain nombre de documents. Même incertitude concernant Jacques COUELLE, à l’exception des dossiers des années 1960-1980 déposées au C.A.M.T de Roubaix.

Une mention particulière doit être portée envers l’œuvre de Ferdinand BAC (1859-1952) qui avait lui-même organisé le dépôt de ses archives dès les années 1930. L’essentiel des manuscrits et de la correspondance reçue (quelques 12.000 lettres, souvent annotées) est déposé à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. Personnalité mondaine hivernant sur la Riviera, son volumineux livre-journal qui couvre la période 1879 à 1933, est une source d’information de premier ordre sur la Belle Epoque et ses résidences. Quatre cahiers complémentaires intitulés Souvenirs de la Côte d’Azur ont été déposés à la Bibliothèque Cessole de Nice. Les archives conservées jusqu’à son décès ont été recueillies par des fonds privés.

Catalogues de pépiniéristes

La collection la plus importante se trouve dans un département fantôme de la Bibliothèque nationale −il ne figure pas dans l’organigramme officiel : le Service des recueils (documents publicitaires, tracts politiques, etc.).

Un important travail de doctorat présenté à l’ E.P.H.E par Michel TRAVERSAT a permis d’en prendre la mesure. Malheureusement pour nous la recension s’arrête vers la fin du XIXéme siècle, à un moment où le comté de Nice vient tout juste d’être rattaché à la France (CR de soutenance dans Jardins de France, septembre 2001).

On trouve d’autres catalogues de pépiniéristes de la Riviera dans les fonds de la Société Nationale d’Horticulture de France et de l’Académie d’agriculture à Paris, enfin du Muséum d’histoire naturelle de Nice.

Librairies régionalistes

Certaines librairies spécialisées de la région PACA sont également dirigées par d’éminents érudits. L’on mentionnera notamment René BORRICAND à Aix en Provence (tel. 04 42 50 01 51) et Jean Claude BOTTIN à Nice (04 93 85 36 69). Leurs établissements ont toujours réservé le meilleur accueil aux chercheurs.

Norbert PARGUEL.  Publication originale : Jardins du Sud, n°3 -2005 et 4 -2006

Carottes d’automne : résultats d’essais

En 2008, la section Jardins Potagers & Fruitiers a décidé de faire réaliser par son réseau de jardiniers amateurs un essai Carottes d’automne ayant pour objectif de mettre en évidence le comportement des variétés choisies vis-à-vis d’un parasite fongique, Alternaria dauci, responsable de la brûlure du feuillage en période estivale.

Malheureusement, les conditions climatiques de l’été 2008, froides et humides, n’ont pas été propices au développement du parasite. Donc, aucune analyse sur ce caractère n’est possible. Toutes les notations demandées sur l’état du feuillage en cours de culture ont été parfaitement réalisées. Sauf dans deux ou trois cas, le feuillage a été sain jusqu’à la récolte. Sur 52 envois, nous avions reçu 32 réponses et 26 sont suffisamment complètes pour donner lieu à une analyse statistique simple. Néanmoins, nous remercions les expérimentateurs d’avoir respecté les dates de semis, la densité après éclaircissage, les notations du feuillage et les pesées à la récolte. De très belles photos ont été réalisées… merci donc à tous.

Données chiffrées

Il a été possible de faire une analyse simple des résultats de récolte. L’arrachage et la pesée des racines après effeuillage donnent des résultats assez faibles à cause du petit calibre des racines. Les conditions climatiques ont certainement joué un grand rôle mais aussi sans doute des semis un peu trop tardifs pour l’année. En 2008, il aurait fallu semer début juin et non début juillet !

Les résultats s’établissent comme suit, en kg/m linéaire :
– Variété 1 Touchon 2,200
– Variété 2 Boléro (Vilmorin) 2,550
– Variété 3 Bangor (Bejo) 2,320
– Variété 4 Cérès (Clause) 2,180
– Variété 5 De Colmar 2 à coeur rouge 2,700

D’après l’analyse statistique des résultats, nous pouvons donc faire le classement des variétés suivant : 5 et 2 non différenciables ; 2 et 3 non différenciables ; 3, 1, 4 non différenciables. En conclusion, le classement est 5 et 2, puis 3, 1, 4 ensemble.
Soit De Colmar à coeur rouge et Boléro
Puis Bangor, Touchon, Cérès.
Il faut préciser que le choix des variétés a été fait en fonction de la sensibilité ou de la tolérance à l’Alternaria et non pour le rendement et la conservation. C’est pour cela que la variété Touchon (témoin de sensibilité) se retrouve au milieu des variétés de type Colmar ou Berlikum.
Boléro fait exception car de type Nantaise.
Quelques observations ont été faites sur le goût mais, malheureusement, trop peu pour en faire une analyse valable. Cependant on peut dire que, d’un point de vue gustatif, 4>3>5.

Certains expérimentateurs ont donné des informations sur les variétés :
1- Touchon : végétation faible, collet vert important.
2- Boléro : végétation forte.
3- Bangor : feuillage moyen, racines moyennes avec beaucoup d’éclatées.
4- Cérès : feuillage faible, belles racines régulières, très bonne qualité gustative.
5- De Colmar à coeur rouge : gros feuillage, gros collet, grosses racines, un peu dures !

En raison des conditions climatiques de l’année 2008, nous n’avons pu tester le comportement des variétés à l’Alternaria dauci. Il est difficile dans ces conditions de faire un choix variétal. Les rendements sont à prendre avec précaution car l’essai n’a pas été conçu pour cet objectif. Il faut toujours se méfier de résultats ne correspondant pas à l’objectif fixé.

Quelques dégâts de vers (mouche de la carotte) ont été signalés. Il semble qu’aucun traitement phytosanitaire n’ait été réalisé sur la culture. Nous avions laissé la possibilité de faire des traitements insecticides. En période plus chaude, les dégâts auraient été plus graves.

Incroyables jardins baroques allemands

Voyage du 09 au 14 juin 2008, organisé par la section Art des jardins de la SNHF.

L’ Allemagne a conservé et restauré certains lieux importants de l’histoire des jardins européens.

Cette année, nous découvrirons l’évolution du style baroque, une manifestation exemplaire des idées du 17ème siècle. Les courbes des dessins complexes nous accompagneront dans un parcours paradoxal. Car le baroque, sur le territoire des anciennes principautés, est le reflet d’une fuite en avant entre l’inquiétude religieuse et la joie d’un temps de paix, au sortir de la guerre de trente ans. On parlait alors de « Lustgarten » où jardin de plaisance, une synthèse entre le maniérisme italien et le modèle français qui vit le jour aux feux du Soleil de Versailles et qui s’en libera après 1715.

Découvrez ces jardins, témoins de l’histoire.

Weikersheim (Bade-Wurtemberg)

Ce lieu devint la résidence des Hohenlohe après la guerre de Trente Ans (1648). Le programme baroque comporte une ordonnance symétrique, des parterres fleuris, une statuaire, des jeux d’eau et une grande orangerie inscrite dans la perspective principale. A partir de 1750 commença la période rococo que caractérisait une ornementation maximale. Les quelques 522 plantes exotiques de l’orangerie furent utilisées en été pour orner le jardin. Le toit de l’orangerie reçu balustrade, obélisques et statues. Les bordures de parterres furent retracées en cheminements tourmentés. Un bassin fut creusé pour y recevoir une fontaine d’Hercule. La statuaire, toujours présente, combine dix-huit thèmes distribués dans les quatre directions du jardin. Mais en 1805, la collection botanique ne comptait plus que 30 plantes et la mode n’était plus à la symétrie. Weikersheim subit alors la vague romantique, laquelle épargna cependant la statuaire. La simplification commença. En 1831, les fontaines d’Hercule et de l’orangerie furent comblées et plantées. Cet état perdura jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1952 que débuta une longue période de restauration. L’état actuel reprend le dessin connu en 1750, sans les parterres de broderie, mais avec des bordures fleuries, la statuaire d’origine, l’orangerie et les bassins restitués.

Veitshöchheim (Bavière)

La guerre de Trente Ans était terminée quand en 1680-82 fut construite une résidence d’été à quatre pavillons d’angle, dominant l’axe du jardin, un vivier à carpes, deux bassins, un jardin de fleurs, un potager, une faisanderie. En 1686, le domaine fut agrandi vers le Sud dans ses limites actuelles. L’élan d’un jardin baroque fut donné en 1702 par le Prince Evêque Johann Philippe von Greiffenclau. Le programme initial comportait un très grand bassin à jet d’eau, alimenté par une prise d’eau au Main, un système de canalisation, de roue de relevage et de réservoir de charge. A partir de 1721, le nouveau Prince Evêque Johann Philipp Franz von Schönborn confia les travaux à Balthasar Neumann. En 1625 furent disposées les innombrables statues en provenance des anciennes résidences des Greiffenclau. La statuaire fut complétée en 1752 par les frères van der Auvera et par J.P.A. Wagner. Nouveau ressaut de l’histoire européenne en 1763 quand prend fin la guerre de Sept Ans et que débute la période rococo du domaine. L’ornementation est décuplée, confiée à l’architecte des bâtiments Johann Philipp Geigel. Tout passe à la nouvelle mode, la grande cascade d’Hercule (détruite dans le bombardement de 1945), les parterres fleuris, la grotte fantastique (Materno Bosi), les jeux d’eau qui furent sa spécialité, tandis que celle de Ferdinand Tietz était la statuaire. L’apogée du parc dura 40 ans. La nouvelle mode paysagère du 19ème siècle ne toucha Veitshöchheim que tardivement et légèrement, après la sécularisation de 1803. Dès 1919 la Bavière fut absorbée dans l’Empire et à partir de 1926, ce fut le temps des inventaires et des études, des constats et des restaurations. Voici comment le caractère historique du style baroque fut remis au grand jour.

Kiosque de Veitshöchheim

Résidence de Würzburg (Bavière)

La Résidence du Prince Evêque de Würzburg a été bâtie entre 1720 et 1744 sur les plans de Balthasar Neumann. Son jardin rococo est du à Johann Demeter et à Johann Prokop Mayer. Ce dernier avait déjà une forte expérience acquise depuis 1755 en Allemagne, Autriche, France, Pays-Bas et Grande-Bretagne. L’agencement, dans l’enceinte étroite des fortifications de la ville, explique le compartimentage symétrique. A noter que les copies des statues de J.P.A. Wagner sont une merveille d’espièglerie et de détails. La partie sud du parc fut paysagée au 19ème siècle. A partir de 1950, le Département des Bâtiments de Bavière restaura le jardin de la Résidence dans son état du 18ème siècle. Chaque année, les 9 ha de jardin sont ornés de 70 000 annuelles cultivées dans les serres du parc et, depuis 1981, la Résidence et ses jardins sont inscrits sur la liste de l’Héritage Culturel Mondial de l’UNESCO.

Jardin des Princes au Marienberg (Bavière)

Le jardin des Princes s’inscrit sur le coté oriental du promontoire de la forteresse (Festung). Il sert donc de transition visuelle depuis les appartements princiers vers le Main et vers la ville. Pour y accéder, nous devrons cheminer depuis le bastion ouest à travers les portes fortifiées et les enfilades de cours. Le jardin des Princes fut commandé par Johann Philipp von Schönborn et complété en 1700 par Johann Philipp von Greiffenclau à l’emplacement d’un autre jardin signalé dès 1523. Il comporte deux fontaines cascade, une belle balustrade, un parterre à huit compartiments, quatre statues mythologiques (copies d’oeuvres attribuées à Jakob van der Auvera) et deux pavillons latéraux. Le dessin des parterres fut restauré en 1937-38 d’après les plans du 18ème siècle et planté de rosiers. Le secret du lieu est la vue sur la ville qu’il faut aller apprécier en fin de journée.

Le jardin des Princes (Forteresse de Marienberg)

Cascade de la Wilhemshöhe (Hesse)

Le monumental était au programme du comte Karl après son retour d’Italie 1699-1700. La grande Cascade s’étend à flanc de coteau sur 210 mètres au pied de l’octogone d’Hercule. Ce n’est en réalité qu’un tiers du projet initial de Francesco Guerniero (1702-18). Elle s’inscrit dans l’axe principal traversant le parc et la ville sur plus de 3 km et ne constitue qu’un des éléments monumentaux d’un domaine de 240 ha. Une journée ne suffirait pas pour détailler les recoins du parc inscrit sur un terrain très pentu et difficile à parcourir. Citons notamment le lac, l’île des roses, la salle de balle, les temples d’Apollon, de Mercure, la grotte de Sybille, celle de Pluton, celle de Pan, la pyramide, l’ermitage de Socrate, le tombeau de Virgile, l’aqueduc, la nouvelle chute d’eau, le pont de l’Enfer, le château romantique de Löwenburg, le hameau chinois (Mulang), etc. La SNHF a choisi de limiter la visite de la Wilhemshöhe à la partie haute de la grande-cascade afin de vous épargner une longue marche tout en vous offrant l’avantage du panorama et des grandes eaux (le mercredi à 14h00). Cette cascade jailli sous l’octogone massif et après plusieurs savant ressauts s’achemine dans un escalier d’eau de 9 mètres de large jusqu’au bassin de Neptune.

Parc de Wilhemstahl (Hesse)

Grotte de Wilhemstahl (1794)

Le plan en pate d’oie est semblable à celui de la Karlsaue de Kassel due à André Le Nôtre. Ici le plan plus tardif date de 1743 et il est du pour partie à François de Cuvilliès, architecte de Wilhelm VIII, pour partie au dessin de Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff (architecte de Frédéric II le Grand). La superficie du parc de la résidence d’été des comtes de HesseKassel est de 35 ha. Le plan initial du parc de forme pentagonal comportait trois axes : au Nord le vallon du ruisseau de Wiesental, au centre le réservoir et la cascade, au sud le canal de la grotte, le pavillon chinois (1746-disparu). La cascade ne fut que partiellement réalisée et l’axe nord jamais commencé, de sorte qu’à partir de 1795, à la demande de Wilhelm IX, la totalité du parc fut aménagée en parc paysager par Daniel August Schwartzkopf. On ajouta la tour de guet néogothique. Ce n’est qu’en 1962-65 que fut reconstruit le canal de la grotte de Knobelsdorff, reconstitués les jeux d’eau, ajoutés les ornements typiques du milieu du 18ème siècle.

Jardins de Benrath (Nord-Rhénanie-Wesphalie)

Le château actuel, fut construit en 1755 pour le prince électeur Karl Theodor, et dessiné dans le goût du baroque français par l’architecte lorrain Nicolas de Pigage. Le château apparaît au public comme un ermitage isolé sur la rive d’un immense plan d’eau circulaire. Il se trouve dans un parc de 60 ha composé de plusieurs jardins, potager, canaux et bosquets. Cet ensemble a été restauré sur le plan du 18ème siècle après l’habituel épisode paysager du 19ème siècle. Les jardins actuels forment un résumé de l’art des jardins. Face à l’aile de la Princesse Elisabeth Auguste se trouve l’espace formel à la française et sa chaîne d’eau ouvert sur une perspective lointaine. Face à l’aile opposée, celle du Prince Electeur Karl Theodor, se trouve le jardin à l’anglaise sur le dessin de Friedrich Maximilian Weyhe et de Peter Joseph Lenné. L’axe principal du parc est occupé par un large canal précédé des groupes de Bachus et Pomone, Maleagre et Atalante, Flore et Pan.

Benrath : le pavillon de la Princesse Elisabeth Auguste

Musée de l’art des jardins à Benrath

Il occupe les deux étages de l’aile est des chevaliers (coté jardin français). Il présente à travers une riche iconographie l’évolution des jardins européens et leur influence sur les créations allemandes anciennes et modernes. Un nombre important de documents informe également sur les jardins français du passé. Ce musée a été ouvert en avril 2002 au sein du réseau européen d’Art des jardins (EGHN).

Augustusburg (Nord-Rhénanie-Wesphalie)

Il fut commandité en 1725 par Clemens August Prince Electeur Archevêque de Cologne. Le plan du château est dû à l’architecte de la cour de Bavière, François de Cuvilliès et le plan des jardins à Dominique Girard, un élève d’André Le Nôtre. L’axe principal du jardin fut placé face à l’aile sud du château. Les parterres de broderie finement dessinés et fleuris précédent les salles de verdures et les bosquets relativement conservés. Vers l’Ouest s’étendent des jardins clos également très travaillés. Le grand parc et ses bosquets fut en revanche paysagé par Peter Joseph Lenné en 1842 à la demande du roi de Prusse Friedrich Wilhelm IV. Le site est inscrit depuis 1984 sur la liste de l’Héritage Culturel Mondial de l’UNESCO.

Grand parc de Schweztingen (Bade-Wurtemberg)

le château et ses abords furent dessinés et créés par les architectes Alesandro Galli da Bibiena et Nicolas de Pigage pour le Prince Electeur Karl Theodor, à partir de 1743. Les jardins baroques sont dus à l’architecte lorrain de Pigage et au jardinier de cour J.L. Petri. Ils s’ouvrent sur un parterre circulaire entouré de bâtiments formant péristyle en hémicycle (1749-50). Au-delà s’étendent bosquets, bassins et un grand canal terminal et perpendiculaire à l’axe principal. Latéralement furent créés différents enclos d’agrément, pleins d’imprévu : la Volière, le Théâtre de plein air de style rococo (1752), la fameuse orangerie de Pigage (1762) dont les parterres sont entourés d’un fossé d’eau, puis la Maison des Bains. Certains éléments d’ornement sont inspirés des jardins de Stanislas (Lunéville, La Malgrange, Steinville, Commercy, etc.). D’autres tels les oiseaux métalliques de la volière (anciennement à la Malgrange), des statues(Atalante, nymphe, animaux marins, l’Arion attribué au sculpteur Barthélemy Guibal, ainsi que les enfants et le sanglier, etc.) et certaines girandoles sont réputées provenir des châteaux lorrains de Stanislas, après l’inventaire de 1766. A cet ensemble parfaitement conservé, combinant les particularités lorraines et italiennes, fut incorporé un parc paysager. Les parties extérieures du grand parc furent transformées en jardin anglais par Friedrich von Sckell dans les années 1776-86. Il redessina les bassins rectangulaires en leur donnant des berges sinueuses d’un lac et ajouta différentes fausses ruines. Les nouvelles fabriques furent cette fois encore confiées à Nicolas de Pigage et ce furent le temple de la flore sylvestre, l’aqueduc romain, le temple de Mercure et la mosquée turque (1778-1795), avec son jardin. Les aménagements en restèrent là lorsque Karl Theodor accéda en 1778 au trône de Bavière, transférant alors sa résidence à Munich. Le parc a été récemment restauré. Le grand parterre l’a été en 1974, sur le plan initial de Petri.

Jardins de Favorite (Bade-Wurtemberg)

Ce château fut conçu dans les années 1710-20 comme retraite de campagne de la marquise Sibylla Augusta von Baden-Baden, veuve de LouisGuillaume, dit « Louis le Turc ». Les travaux furent confiés à l’architecte Michael Ludwig Rohrer. Le plan des jardins réguliers était alors organisé sur un axe principal. Après 1771, le domaine passa à la branche Baden-Durlach, le jardin déclina et fut réhabilité à la mode anglaise par Johann Michael Schweykert. Le schéma baroque fut réduit, seuls demeurèrent les bâtiments, le vivier rectangulaire, le jardin de l’ermitage et le bois de la Faisanderie. Les travaux de Schweykert continuèrent jusqu’en 1805 suivant les théories de Lancelot Brown (Capability) et de Humphrey Repton. Au-delà du château fut dessinée une grande prairie, équilibrée de groupes d’arbres, ouverte sur un étang, son île et le paysage lointain.

Frédéric Pernel
Section Art des Jardins 
Société d’Horticulture de Reims

Les locaux de la SNHF construits sur un ancien marais

Les locaux de la SNHF sont situés sur une ancienne propriété religieuse qui appartenait aux « Filles de la Visitation », communauté baptisée également « Les Visitandines ». Cet ordre, exclusivement féminin, jouissait d’une grande prospérité économique qui lui permit d’acheter de nombreux terrains au sein de la capitale. Celui qu’elles acquièrent pour 8 500 livres, le 8 janvier 1673, rue de Grenelle, consiste en un demi-arpent de « terre de marais ». Il est « clos de murs de devant et derrière et de l’un des deux côtés » (M. Cointat, Histoire du 84 rue de Grenelle, p. 9). Deux ans et demi plus tard, le 16 septembre 1675, elles feront l’acquisition tout à côté, rue du Bac, d’une maison à porte cochère, réservée à leurs diverses activités.

Pourquoi un tel engouement pour un marais ?

À cette époque, les zones humides (marais, lacs, étangs…) étaient associées aux sciences occultes et aux maladies. Cependant, les Visitandines souhaitaient ardemment ce marais.

Elles en achèteront d’ailleurs plusieurs autres lors de leur expansion immobilière. Pour celui-ci, rue de Grenelle, elles n’hésitèrent pas à payer un pot de vin conséquent (44 livres) afin de remporter l’affaire. La raison en est fort simple : les Visitandines avaient compris très tôt les enjeux de l’eau.

Il est fort probable qu’elles disposaient de connaissances scientifiques poussées associées à un pragmatisme évident. A l’époque, l’eau courante dans les habitations n’existait pas. Il fallait quotidiennement aller chercher de l’eau et la ramener. Même si les habitudes d’hygiène et la consommation domestique étaient loin d’être celles d’aujourd’hui, les besoins en eau n’en étaient pas moins réels et ne cessaient de croître.

Les Visitandines créèrent rapidement un jardin de carrés de légumes sur leur domaine. Elles utilisaient l’eau de leur marais pour son arrosage, par l’intermédiaire d’un puits aménagé qui leur assurait aussi une consommation domestique régulière. Sans qu’il soit tenu compte de la qualité de cette eau, ce potager fut vite réputé pour sa magnificence.

Cette réussite s’explique par la présence d’une « zone humide » : le marais jouait à la fois le rôle d’une éponge – concentrant d’importantes quantités d’eau et servant de réserve en cas de pénurie – et de filtre, retenant les impuretés et augmentant d’autant la qualité de l’eau. Les Visitandines avaient donc réalisé un bon investissement.

L'après Visitandines

Après l’expulsion des religieuses en 1792, le terrain connut divers propriétaires, démolitions et ré-agencements mais l’accès au puits était conservé. Dès son installation, la SNHF exploite le potentiel en eau de cette nouvelle résidence : en 1863, deux fontaines agrémentent la cour (M. Cointat, Histoire du 84 rue de Grenelle, p. 30) et sont accessibles au voisinage, en plus du puits mitoyen. Cela témoigne que la SNHF prenait au sérieux les enjeux de l’eau et sa mission d’utilité publique (c’est vers la même époque que seront mises à disposition de la population parisienne les fameuses fontaines Wallace).

En 1970, l’hôtel particulier est détruit et remplacé par un immeuble moderne, conçu par un ancien élève de Le Corbusier. Le puits mitoyen est actuellement devenu une propriété privée et n’est plus, hélas, ni en service, ni accessible aux passants, mais il existe toujours. Parallèlement, l’histoire du puits artésien de la rue de Grenelle, au XIXe siècle, devait montrer que la qualité de l’eau dans cette partie de la capitale laissait tout de même à désirer. Sous l’impulsion d’Héricart de Thury (fondateur et président de la SNHF) des travaux furent entrepris pour l’aménagement d’un puits artésien rue de Grenelle, mais les résultats restèrent décevants. Au milieu du XXe siècle, la médiocrité de cette eau conduira à l’abandon de ce puits artésien qui fut finalement comblé.

Article paru dans Jardins de France
Octobre 2008

Le cercle vertueux du jardinage

Toutes les études sur les relations entre végétation et cadre de vie démontrent les bénéfices incontestables de la présence de verdure. Une simple recherche bibliographique, principalement d’études d’Amérique du Nord, montre que la pratique du jardinage et la présence de végétation sont multi-bienfaiteurs.

Cela va bien au delà de l’aspect purement physique ou psychologique. Les bienfaits du végétal et du jardinage possèdent un très large spectre d’application (hobby, thérapie, enjeu social, activité physique, alimentation, éducation, économie locale, criminalité, violence, etc).

En France, nous sommes très en retard dans la recherche des bénéfices à tirer du vert. Nous formulons le souhait que :

  • ces données, qui sont souvent le simple fait d’observations, puissent être validées par des expérimentations, faisant appel à des compétences multidisciplinaires, et dont les résultats seraient ainsi incontestables. Le prochain colloque scientifique de la SNHF traitera de ce sujet. Nous espérons qu’il marquera le début d’une véritable prise de conscience.
  • qu’il y ait une véritable volonté et mobilisation des pouvoirs publics, des politiques et des décideurs au sens large pour remettre le végétal au centre de nos modes de vie.

A la fin de ce document sont présentées quelques démarches (pour la plupart étrangères) méritant une attention particulière, comme les essais de végétalisation ou d’agriculture urbaine. Même si ces démarches sont marginales, elles répondent à des problématiques qui vont bien au-delà de ce que l’on pourrait imaginer.

Un autre axe, largement reconnu, mais dont les études montrent des qualités, elles aussi étonnantes, est le jardinage collectif. Très pratiqué dans les Community gardens de l’autre côté de l’Atlantique en réponse à la pauvreté et au délabrement des zones urbaines mises de côté, il témoigne de ce que les hommes ont le plus perdu en vivant en ville : la nature et les liens sociaux. En France, le jardinage collectif se développe au sein des jardins familiaux, des jardins partagés ou encore des jardins d’insertion. L’engouement qu’il suscite aujourd’hui est à la hauteur des attentes.

Le jardinage est plus qu’un passe-temps,
c’est une activité physique régénératrice multi-générationnelle.
Le jardinage est plus que de la culture,
il participe à un équilibre alimentaire sain et nécessaire.
Le jardin est plus qu’un espace récréatif,
il est le garant d’un équilibre social primordial.
Le jardin est plus qu’un lieu de rencontre,
il est un enjeu éducatif, environnemental,
économique et humain.
Il faut le voir comme un cercle vertueux.

Henri Delbard, Président de la SNHF
Emmanuel Mony, Président de l’UNEP

L’histoire du Camellia

Qui ne connait au moins le célèbre titre d’Alexandre Dumas fils : “la Dame aux Camelias”, paru en 1848 et préfacé par Jules Janin ?

L’histoire est celle de Marie Duplessis, grande courtisane du temps de Louis-Philippe et qui fut célèbre, dit-on pour cette fleur dont elle ornait volontiers son corsage. Marie Duplessis est-elle d’ailleurs la Femme-Camellia, du beau livre de Grandville “Les Fleurs animées”, paru sous l’Empire ?

Dumas est à l’origine d’une confusion orthographique regrettable, car le nom de la plante s’écrit en toute orthodoxie Camellia, avec deux « L » !
Charles Linné¹ dédia en effet cette plante au père Georges Joseph Kamel ou Camellus, qui était alors réputé avoir voyagé en Chine et au Japon et avoir introduit le premier Camellia en Europe… On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien et que Kamel, qui fut par ailleurs un remarquable naturaliste, ne quitta jamais les Philippines et ne put donc rencontrer le Camellia ! L’histoire botanique est d’ailleurs coutumière de ce genre de confusion, car Magnol n’a probablement jamais vu de Magnolia, ni Bégon de Bégonia !

Si l’on en croit la légende, Marie Duplessis, atteinte comme on le sait de phtisie, aurait préféré cette fleur belle et inodore, à tout autre pour ne pas être incommodée par un parfum. Une facture de son fleuriste Ragonot, parvenue jusqu’à nous² authentifie ce goût pour le Camellia. Elle portait ”vingt cinq jours du mois un Camellia blanc et les cinq autres jours, un Camellia rouge”… élégante et coûteuse enseigne pour une femme de son état !

A cette époque, le Camellia passe pour plaire aux “flambards”³ et symbolise bien le train de vie qu’elle imposait à ses admirateurs, avant que de les ruiner. Très demandées, les boutonnières de Camellias nécessitaient d’ailleurs de maîtriser la culture de forts sujets, sous abris froids ou chauds, afin d’en échelonner la floraison depuis le mois d’octobre jusqu’à mai. Les fleuristes savent bien que, grâce aux chemins de fer, les fleurs de Camellia, cueillies le matin à Nantes, étaient immédiatement façonnées en boutonnières et acheminées le soir même à Paris pour la sortie des théâtres.

Mais sait-on la singulière histoire de cette fleur indispensable aux salons romantiques ?

Il faut chercher l’arrivée du Camellia en Europe à travers celle du Thé, le Camellia sinensis, dont la végétation lui ressemble beaucoup et que les botanistes considèrent d’ailleurs aujourd’hui comme une espèce voisine. Erreur d’importation ? Tromperie délibérée des Chinois voulant protéger leur patrimoine économique ?
Les premiers Camellias sont arrivés par hasard à Londres, à la grande déception des anglais voulant installer des cultures de Thé dans leurs colonies. Cette erreur fit néanmoins le plus grand bonheur des jardiniers qui commençaient à diversifier activement leurs collections ornementales.

Le XIXème siècle verra arriver diverses variétés d’origines chinoise ou japonaise, notamment, grâce à un grand “corsaire” botanique anglais : Robert Fortune. Le XXème siècle sera à son tour redevable à Forrest de nouvelles espèces.

Grands arbustes ou petits arbres persistants, dont on a longtemps cru qu’ils exigeaient la serre et la terre de bruyère, les Camellias peuvent dépasser dix mètres à l’air libre, pourvu que l’acidité du sol et la douceur du climat leur soient favorables, comme c’est notamment le cas sur la façade atlantique française(4).

Parmi les grandes espèces de Camellias aujourd’hui cultivées par les jardiniers, citons essentiellement :

  • le Thé de Chine (Camellia sinensis) ;
  • la Rose du Japon (Camellia Japonica), qui est le Camellia classique, longuement sélectionné en Extrême-Orient, en particulier par certains Samouraï dont il était l’emblème et dont les formes parfaites à fleurs simples “Higo” sont l’exemple le plus accompli ;
  • le Camellia sasanqua, dont les petites fleurs sont délicatement parfumées et très précoces ;
  • le Camellia saluenensis, originaire de Formose et très tôt hybridé avec le Camellia du Japon ;
  • le Camellia reticulata, dont les grandes et belles fleurs rachètent la fragilité. Cette espèce, introduite en 1820 par Robert Fortune, entra dans de nombreuses hybridations et donna entre autres la célèbre race des X Williamsii.

Cette trop courte liste s’enrichit cependant d’apports plus récents, collectés dans les domaines botaniques de la péninsule indochinoise, et sur lesquelles les hybrideurs fondent d’importants espoirs depuis plusieurs décennies. C’est notamment le cas du Camellia Granthamiana, découvert à Hong-Kong en 1955, puis de diverses espèces à fleurs jaunes telles que Camellia chrysantha… les plus récentes découvertes porteuses d’importantes promesses pour l’avenir ayant été faites au Vietnam par Rosman entre 1992 et 2002.

De grands collectionneurs et sélectionneurs européens ont puissamment contribué à la renommée de cette “Rose du Japon”, ou Tsubaki (l’arbre aux feuilles luisantes), rencontrée et décrite par Kaempfer en 1682 (5) .
En France, ce furent les Soulange-Bodin, horticulteur à Ris-Orangis, les Napoléon Baumann, pépiniéristes à Bollwiller, les Ferdinand Favre et autres Nantais (6), les Leroy et autres Angevins, les Cels, Tamponet ou Fion, pépiniéristes collectionneurs près de Paris et, surtout, l’abbé Laurent Berlèse, à qui l’on doit l’une des premières monographies de cette plante et de ses nombreuses variétés horticoles (7) (trois éditions illustrées de quelques gravures en noir : 1837, 1840, 1845).

De 1841 à 1843, parut en souscription une superbe édition présentant 300 variétés simples ou doubles, peintes directement par Jung dans les cultures de l’abbé Berlèse (8) . Cette édition mythique, aujourd’hui du domaine de la confidentialité, malgré quelques tentatives de réédition, figure parmi les richesses de la SNHF.

Les fleurs représentées semblent très grandes parce qu’il était alors d’usage d’en réduire le nombre en culture afin d’en augmenter les proportions… au plus grand avantage des fleuristes et de leurs célèbres boutonnières !

Daniel LEJEUNE,
Ingénieur Horticole
Administrateur de la Société Nationale d’Horticulture de France

Notes et références

  1. Charles Linné, Genera plantarum, première édition de 1737
  2. Facture de Ragonot correspondant à des livraisons de novembre 1843 à janvier 1844, et citée par Gibault dans le bulletin de la SNHF de 1939
  3. Appellation attestée dès 1837. Les flambards étaient les snobs du régime de Louis-Philippe
  4. La Ville de Nantes détient le Conservatoire National du Camellia. On peut voir de nombreuses variétés anciennes au Jardin des Plantes. Roland Jancel, son Directeur honoraire, m’a fait l’honneur et l’amitié de relire la présente introduction
  5. Kaempfer, dans Amœnitates exoticæ, paru en1712, décrit et figure une variété à fleurs simples, le Tsubaki
  6. Service des Espaces Verts de la Ville de Nantes « A propos de Camellia », plaquette rédigée sous la direction de Roland Jancel
  7. La seconde édition de la monographie de Berlèse fut couronnée par la Société Royale d’Horticulture de Paris en 1840
  8. Berlèse, “Iconographie du Camellia”, chez Cousin à Paris, 3 volumes 1841-1843, gravures de Duménil, Gabriel et Oudet, d’après des peintures de J.J. Jung

Jardins d’acclimatation sur la Riviera

Bien peu des plantes utilitaires d’aujourd’hui sont endémiques sur le sol français.

Les Romains furent en leur temps les premiers acclimatateurs en Gaule, où ils implantèrent nombre des végétaux qu’ils avaient recueillis au sein des lointaines contrées de leur empire : citron, figue, pêche, poire, prune.

La découverte du continent américain au XVIéme siècle entraînera également d’importantes introductions en Europe : haricot, maïs, pomme de terre, tomate.

Pour le cas français une ordonnance de LOUIS XV semble t-il, prescrivait aux capitaines de vaisseau de rapporter toute plante exotique susceptible d’intérêt, et à cet effet des jardins botaniques seront ouverts dans les grands ports du pays : Rochefort (1741), Brest (1768), Toulon (1785).

L’acclimatation systématique des plantes ornementales apparaît beaucoup plus tardive. S’agissant de la Riviera, le Comté de Nice jusqu’en 1860 fut possession du royaume de Piémont-Sardaigne où l’influence culturelle italienne était prépondérante. Foncièrement minérale pour son cadre de vie, c’est à dire romaine, cette tradition apparaissait étrangère à toute considération en termes d’espaces verts.

Le jardin dit à l’italienne ne reçoit de composantes végétales que dans le cadre d’un dessein structurel : ce n’est pas le royaume des horticulteurs, c’est une œuvre d’architecte et de bâtisseurs.

L'apport impérial

L’histoire retient toutefois que la première impulsion quant à l’implantation de végétaux exotiques sur la Riviera, provint d’une impératrice d’origine antillaise, Joséphine de BEAUHARNAIS. Au tout début du 19éme siècle les serres du château de Malmaison abritaient une foule de plantes d’origine subtropicale que l’on se procurait par divers moyens : – achat en Angleterre auprès des établissements LEE et KENNEDY à Hammersmith (le blocus continental imposé à ce pays connaissait certaines exceptions) ; – organisation de missions de botanistes dans les pays d’élection : Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du sud ; – requêtes adressées auprès des grands commis napoléoniens administrant les pays conquis ; – sollicitation de correspondants extérieurs : diplomates, marins, explorateurs. Il a été noté que de 1804 année d’achèvement de la grande serre, à 1814 au décès de l’impératrice, 184 espèces nouvelles en France ont fleuri à Malmaison (3). Comme tous les authentiques introducteurs l’impératrice avait soin de partager ses spécimens, et la correspondance échangée entre J.B. MIRBEL alors intendant du domaine, et M.J. DUBOUCHAGE préfet du département des Alpes Maritimes, atteste de l’envoi sur la Riviera de nombre de plantes en provenance de Malmaison : eucalyptus pour les plus connues, mais aussi casuarina , leptospermum , melaleuca , metrosideros , phormium (4).

Toulon et Hyères

Hors cet apport impérial, la ville de Toulon abritait depuis la fin du XVIIIème siècle un jardin botanique où les amateurs locaux ont pu s’approvisionner.

Le préfet DUBOUCHAGE y aura notamment recours −seul site mentionné dans la correspondance avec Malmaison− pour satisfaire aux souhaits de l’impératrice Joséphine. Un catalogue comptant près de 1500 espèces fut édité en 1821. Cet espace disparaîtra progressivement après 1885. La proche ville de Hyères connut également diverses activités d’acclimatation, la plus notoire étant celle d’Alphonse DENIS engagée dès 1832. De cette propriété ne demeurait à la fin du XIXème siècle qu’un square public, mais son chef-jardinier Charles HUBER devait entre temps développer une importante pépinière, dont l’activité se poursuivit jusqu’au début du XXème siècle animée par un autre grand nom de la profession, François NARDY (5).

La promotion des hivernants anglais

Il est enfin peu contestable que les hivernants anglais présents à Nice depuis la fin du XVIIIéme siècle −La villa Rivers aujourd’hui Furtado-Heine, est édifiée en 1787 ; villa située en bordure de ce que l’on appelle depuis les années 1820 la « Promenade des Anglais »− et qui représentaient à eux seuls près de la moitié des résidents étrangers, aient occupé une place de choix dans la promotion de ce mouvement d’acclimatation des plantes exotiques, trouvant sur la Riviera un sol européen proche de leur mère patrie où pouvoir implanter les espèces aussi luxuriantes que colorées qui croissaient dans les aires de leur empire colonial.

Le secteur sud-est des côtes maritimes françaises relève de paramètres climatiques subtropicaux propres non seulement à la sphère méditerranéenne orientale, mais aussi à certaines régions du Chili, de la Californie, de l’Afrique du Sud, de la Nouvelle Zélande et du sud-ouest australien (ces trois dernières régions relevant alors de la souveraineté anglaise) : long et fort ensoleillement, hygrométrie élevée, protection contre les vents violents. De ce point de vue toute la végétation de ces contrées est donc apparue susceptible de pouvoir être acclimatée sur la Riviera.

Les premiers spécialistes

Les premiers spécialistes en acclimatation et production de végétaux exotiques, s’installeront dans le secteur du Golfe Juan-Cap d’Antibes :

Gustave THURET (1819-1874) : Issu d’une famille fortunée, il voyagea beaucoup et se passionna pour l’histoire naturelle. G. THURET fut en relation avec des savants du monde entier et entreprit un travail d’acclimatation à partir de 1856, lequel se poursuivit ultérieurement sous la direction de botanistes réputés : Charles NAUDIN qui siègera à l’Institut, Georges POIRAULT et J.B. TEXIER. Cet apport est celui d’une composante scientifique au sein des divers courants d’introduction des plantes exotiques. La villa THURET fut léguée à l’Etat au décès du fondateur et devait abriter tout au long du XXéme siècle divers laboratoires de recherche, dont l’INRA est aujourd’hui gestionnaire. Cet espace d’acclimatation est le plus ancien de la Riviera toujours en activité (6).

Gilbert NABONNAND (1828-1903) : Rosiériste mais aussi collaborateur attitré dès la fin des années 1850 comme entrepreneur-jardinier, de Lord BROUGHAM et de la première génération des hivernants anglais à Cannes, il sera amené à développer sa propre pépinière, l’établissement Sainte Anne situé en face du Fort Carré d’Antibes. Le site sera racheté en 1908 par J.B. DENTAL [le seul des grands horticulteurs du début du siècle dont les descendants exercent toujours dans la profession]. Le dernier catalogue des roses cultivées comptait près de 1500 variétés, dont quelques 300 obtentions propres. G. NABONNAND eut deux fils, Paul (1858-1936) et Clément (1864-1949) qui devaient chacun ouvrir leurs propres pépinières, l’un à Mandelieu et l’autre à Villeneuve-Loubet ; ces espaces ont aujourd’hui disparus. Les rosiers Nabonnand demeurent toujours appréciés, figurant parmi ceux qui résistent le mieux aux paramètres climatiques de la Riviera (7). Un conservatoire de ces obtentions a pu être aménégé au sein d’une propriété privée de Grasse.

Eugène MAZEL (1828-1894) : Ce négociant qui faisait le commerce des épices avec les pays asiatiques, avait réalisé à Anduze (Gard) en 1856 un arboretum et une bambouseraie d’une trentaine d’hectares, le parc de Prafrans. Il constituera peu après une modeste annexe méditerranéenne au Golfe Juan (5000 m2 ) pour y héberger des plantes trop fragiles pour le milieu cévenol, palmiers notamment. Le site sera abandonné vers 1882 à la suite d’un revers de fortune du mécène et les espèces d’intérêt seront transplantées à la villa Valetta de Cannes. La bambouseraie d’Anduze put toutefois être préservée et apparaît toujours florissante un siècle et demi plus tard (8).

Jacques DUVAL comte d’ÉPRÉMESNIL (1827-1891) : Vice-président de la prestigieuse Société d’acclimatation de Paris, co-fondateur de l’ancien jardin d’acclimatation du bois de Boulogne et rénovateur du parc du château familial de Croissy s/Seine, J. d’ÉPRÉMESNIL deviendra l’animateur du précaire jardin d’acclimatation du Riou créé par la ville de Cannes en 1876. Il devait ensuite développer ses propres collections à partir de 1879 au domaine des Cocotiers sur le Golfe Juan ; groupant quelques 5000 plantes , elles seront parmi les plus importantes de la fin du siècle . Ses héritiers transformeront la propriété en site de production, lequel sera connu sous la dénomination de Pépinières de l’Aube. Ce domaine sera loti en 1936 et la villa fera place à un hôtel, aujourd’hui en co-propriété de résidents, le château de l’Aube (9).

Henry de VILMORIN (1843-1899) : Issu d’une famille d’horticulteurs dont l’activité remontait au XVIIIème siècle, ce praticien fut aussi un agronome réputé qui publiera d’importants travaux expérimentaux. L’établissement d’Empel qu’il fonda en 1886 sur le Cap d’Antibes, était initialement voué à la culture sous châssis : environ 5000 m2 vitrés, où l’on produisait entre autres une centaine de variétés de primevères. Cet établissement deviendra ultérieurement un conservatoire pour la multiplication de plantes rares, puis les terrains seront lotis dans les années 1950. H. de VILMORIN possédait également depuis 1882 une résidence personnelle sur le Cap d’Antibes, comportant également un jardin d’intérêt, le domaine de Latil aujourd’hui disparu (10).

Des collections botaniques au sein des jardins d'agrément.

D’autres intervenants édifieront des collections botaniques au sein de leurs propres jardins d’agrément.

Villa Vigier (Nice 1862)

Acquise par Achille-Georges VIGIER petit-fils du maréchal DAVOUT, cette propriété fut configurée par le paysagiste J.P. BARILLET-DESCHAMPS et devint un lieu d’acclimatation notoire jusqu’au décès de son promoteur en 1883.
Certaines espèces étaient plantées en colonnes multiples le long des allées, voire en îlot ou même en boisement : palmeraie, verger. L’on y rencontrait encore une superbe collection de rhododendrons, espèce demandant des soins particuliers sur la Côte d’Azur.
La villa fut acquise en 1921 par un flambeur mondain, Léon de MILEANT ; un certain nombre d’éléments architecturaux furent alors réalisés dans les jardins, notamment un théâtre de verdure, le premier de la région. Le nouveau propriétaire revendra la villa en 1929 après la faillite du proche palais Castellamare, où il avait décidé de réaliser le plus gigantesque des casinos européens.
Après de longues décennies d’abandon, la résidence −édifiée sur le modèle du palais de la Ca d’Oro à Venise− fut rasée en 1967 et le parc loti ; ce qu’il en subsiste forme aujourd’hui un square public en bordure de mer à la sortie du port de Nice (11).

Villas Valetta et Camille-Amélie (Cannes 1878)

Cet espace fut constitué par un industriel du textile lyonnais Camille DOGNIN, et un chef-jardinier talentueux Pierre RIFFAUD, lequel deviendra ultérieurement l’un des principaux animateurs de la Société d’horticulture de Cannes.
Les collections de la villa faisaient l’admiration d’ Edouard ANDRÉ qui en traitera à plusieurs reprises dans la Revue horticole.
La propriété sera fractionnée peu après le décès du mécène en 1889, la composante sud dite villa Camille-Amélie, étant cédée à une grande famille de bâtisseurs et d’amateurs de jardins, les MENIER , industriels de la chocolaterie. La composante nord qui conservera la dénomination de villa Valetta, sera augmentée en 1938 du domaine contigu de la villa Saint Michel, où de beaux espaces architecturés seront réalisés par le paysagiste grassois Léon LEBEL.
Ces deux sites abritent aujourd’hui des résidences collectives, et il ne demeure que quelques spécimens à fort développement des collections végétales d’origine (12).

Villa Les Tropiques (Nice 1892)

Ce parc d’acclimatation demeura en activité pendant près d’un demi-siècle et fut dirigé par un médecin et naturaliste réputé, Axel ROBERTSON-PROSCHOWSKY (1857-1944) dont les contributions savantes étaient accueillies dans tous les périodiques spécialisés.
Au sein d’un fouillis végétal comptant quelques 2000 espèces, croissaient notamment 125 variétés de palmiers. Cet intervenant fut également un apôtre inlassable de la création de jardins de plantes publics sur la Riviera, lesquels lui apparaissaient constituer d’authentiques vitrines de la région.
Délaissé après la disparition de son concepteur, le terrain fut exproprié en 1966 par la ville de Nice puis concédé dans les années 1980 à un parc d’attraction dit « Parc des miniatures », avant de retourner à un nouvel abandon après le retrait de cette dernière structure. De nombreuses espèces d’intérêt subsistent toujours sur le site ; d’autres furent en leur temps transplantées au domaine des Cèdres (13).

Domaine des Cèdres (Saint Jean Cap Ferrat, 1924)

Il s’agit du plus important jardin botanique français, quoique uniquement voué aux flores subtropicale et tropicale, groupant selon le dernier bilan établi près de 16 000 plantes. Cet espace présente en outre l’avantage sur les autres grands sites européens, d’exposer une large part de ses collections en plein air. Le domaine compte par ailleurs 24 serres (1000 m2 pour la plus importante) couvrant au total près d’un hectare, sur les 14 ha de la propriété.
Le répertoire de jardins botaniques dressé par E. HYAMS classe Les Cèdres au premier rang mondial pour ses collections de broméliacées et de succulentes.
Situé au cœur de l’ancienne résidence azuréenne du roi des Belges LEOPOLD II ( initialement 75 ha, aménagements architecturaux de Jules VACHEROT) le domaine fut acquis en 1924 par Alexandre MARNIER-LAPOSTOLLE, créateur du spiritueux Grand Marnier et antérieurement propriétaire de la villa L’Africaine à Nice.
Le développement des collections sera toutefois pour l’essentiel, l’œuvre de son fils Julien. Les recherches entreprises par A. et J. MARNIER-LAPOSTOLLE pour la mise au point de leurs liqueurs ( à base d’écorce d’orange amère, dite bigaradier) les ont sans doute conduit à étendre leur intérêt vers la végétation de la sphère tropicale. A. ROBERTSON-PROSCHOWSKY témoignera très tôt de la passion du jeune Julien, qui dix ans après l’acquisition des Cèdres par ses parents, y avait déjà réuni près d’un millier d’espèces. Julien MARNIER-LAPOSTOLLE (1902-1976) deviendra un expert en plantes succulentes, dont les travaux seront régulièrement publiés par les revues botaniques. L’entretien de ces fabuleuses collections est aujourd’hui assuré par la Société des produits MARNIER -LAPOSTOLLE , qui ouvre généreusement l’accès du domaine (privé) aux visites de groupes et aux chercheurs scientifiques (14).

La région de Menton

La région de Menton, zone climatique idéale pour la végétation d’origine subtropicale, devait par ailleurs voir l’éclosion d’un certain nombre de sites de grande notoriété (15).

Jardin Bennet (Grimaldi 1859)

James Henry BENNET (1816-1891) fut l’un des promoteurs anglais du séjour thérapeutique sur la Riviera. Physiologiste et gynécologue ayant effectué ses études à Paris et publié de nombreux travaux, il hivernait à Menton depuis 1859 chez sa nièce, propriétaire de la villa Saint Louis. (Celle-là comportait un jardin réputé alors placé sous la responsabilité de Eugène DELRUE, dont la famille développera ultérieurement une pépinière de succulentes à proximité de la villa). J.H. BENNET acquit pour sa part à Grimaldi sur la frontière franco-italienne, un flanc de colline composé de quelques restanques aboutissant à une petite tour médiévale en ruine. Il effectuera une présentation de son domaine dans un ouvrage intitulé Winter and spring on the shores of the Mediterranean (1ére ed. 1863, trad. 1880 avec trois gravures sur la propriété) et diffusera en 1868 d’importantes contributions dans le Gardener’s chronicle sur l’état de ses collections : quelques 350 espèces de plantes fleuries. La serre de culture qu’il fit édifier, fut l’une des premières connues au sein du comté de Nice. Une pierre gravée à l’entrée du jardin, portant l’inscription SALVETE AMICI (Ami, bonjour à toi) informait les passants qu’ils pouvaient circuler librement dans les allées. Un château fut ultérieurement réalisé sur le site, les terrasses seront reconfigurées par Jacques COUELLE en 1927, mais la propriété n’abrite plus d’espace botanique (16).

Villa Hanbury (La Mortola 1867)

Proche de la frontière franco-italienne, le Palazzo Orengo fut acquis par les frères HANBURY en 1867 ; Thomas (1832-1907) négociant anglais commerçait avec la Chine, Daniel (1825-1875) était botaniste et pharmacologue. Les premières acquisitions de végétaux seront effectuées à Hyères auprès de Charles HUBER ; Gustave THURET apporta également un appui apprécié. A la fin du siècle le jardin comptera plus de 3000 espèces et près du double à la veille de la première guerre mondiale. Dorothy HANBURY belle-fille de Thomas, publiera en 1938 avec l’Université d’Oxford un monumental « hortus mortolensis« , comportant notamment un précieux index des plantes cultivées à cette date. Les introductions de plantes firent par ailleurs l’objet de notices régulières pendant des décennies dans les pages du Gardener’s chronicle. Le domaine sera légué à l’Etat italien en 1960. Après une phase d’entretien minimal viendra une période d’abandon et la perte d’une large part des collections. En 1983 le site sera pris en charge par l’université de Gênes qui s’efforce depuis de le restaurer (17).

Villa Africa (Menton, fin XIXème)

Ce fut un site d’acclimatation important sur la Riviera, notamment en fruitiers tropicaux, dont l’activité s’étendit tout au long de la première moitié du XXéme siècle. Le promoteur fortuné de cet espace, R. JARRY-DESLOGES (1868-1951) est surtout connu de l’histoire des sciences pour son mécénat envers la discipline astronomique. Il avait financé de ses propres deniers l’édification d’un certain nombre d’observatoires, dont les travaux étaient diffusés par un luxueux périodique privé, Observations des surfaces planétaires (10 vol. parus, 1908-1946). S’agissant de la botanique, ses contributions savantes à la Revue horticole courent de 1903 à 1949. Le domaine, situé entre le boulevard et la gare SNCF de Garavan, est aujourd’hui loti (18).

Villas Kahn (Cap Martin, 1902)

L’on désignait sous cette appellation la villa Zamir, à laquelle viendront s’ajouter ultérieurement les résidences contiguës des villas Dunure et Miramar, propriétés d’Albert KAHN (1860-1940) banquier et mécène culturel éminent du premier tiers du XXéme siècle. Les Archives de la planète constituées par les opérateurs qu’il missionna, sous la tutelle du géographe Jean BRUNHES, comptent notamment 72.000 clichés autochromes et 180 km de films.
La villa Zamir offrait un témoignage raffiné de l’assimilation d’une implantation de masse de végétaux exotiques, par l’art des jardins. La crise économique de 1929 eut raison de la fortune d’Albert Khan. L’absence d’entretien de la propriété à partir des années 1930 ne diminuera toutefois qu’assez peu l’intérêt des visiteurs pour les collections : Ernest de GANAY en 1936, historien d’art auquel on doit beaucoup, puis Auguste GIUGLARIS en 1950, animateur de la Société d’horticulture pratique de Nice. Le domaine changera plusieurs fois de propriétaire dans l’après-guerre, mais conserve nombre d’espèces d’intérêt ayant acquis un fort développement. La ville de Boulogne est par ailleurs devenue propriétaire de la résidence francilienne d’Albert KAHN, laquelle comporte toujours de beaux jardins d’agrément (19).

Villa Roquebrune (Roquebrune 1902)

Cet espace de collection fut constitué par une hivernante anglaise et jardiniste passionnée, Norah WARRE qui y résida jusqu’à son décès en 1976. La Royal Horticultural Society de Londres publiera en 1966 un imposant catalogue des plantes acclimatées dans la propriété. La villa et ses belles composantes fleuries connurent par la suite divers aléas. (20).

Clos du Peyronnet (Menton 1915)

Jardin réalisé par la famille WATERFIELD et constamment enrichi depuis. C’est l’une des rares propriétés anglaises sur la Riviera, peut-être la seule, qui soit demeurée dans le même patrimoine familial depuis le début du XXéme siècle. Nous marquerons donc ici notre admiration envers une communauté historique à laquelle nous devons tant (21).

Serre de la Madone (Menton 1924)

Les collections furent réunies par Lawrence JOHNSTON (1871-1958) hivernant issu d’une famille qui avait fait fortune avec l’or du Klondyke. Ce prestigieux « gardener » avait été en Angleterre le créateur de Hidcote Manor où fut engagé un renouvellement de l’art des jardins, notamment par une structuration de l’espace reposant sur des architectures végétales. Le site de Serre de la Madone est constitué de larges terrasses, dont chacune est traitée d’une manière spécifique. Egalement ornithologue, L. JOHNSTON avait par ailleurs recouvert d’un filet toute la colline surplombant la résidence, et lâché dans cette semi-liberté une foule de volatiles. A l’époque de sa splendeur la propriété employait 23 personnes. Après diverses épreuves la villa est devenue propriété du Conservatoire du littoral, et a pu être restaurée grâce aux fonds réunis par une association privée animée par M. LIKIERMAN, par ailleurs rénovateur du Domaine des Colombières à Menton −chef d’œuvre de Ferdinand BAC réalisé dans les années 1930 (22).

On gardera par ailleurs mémoire de la Société d’horticulture de Cannes. Fondée en 1865 par des notables locaux, elle poursuivra ses activités jusqu’aux années 1930, et comptera dans ses rangs la quasi totalité des hivernants titrés.

Une part importante de son activité, essentielle à l’origine −elle est visée au chapitre IV des statuts− se rapportait à l’organisation d’expositions florales. Les monographies des grands jardins d’agrément qu’elle publiait, comportaient un descriptif minutieux de la foule des plantes que l’on y déversait alors (23).

Les plantes succulentes

Il convient enfin de ne pas oublier un secteur marginal de l’acclimatation par rapport aux précédents, celui des plantes succulentes, quoique infiniment plus présent dans les jardins d’autrefois sur la Riviera ; ces composantes étaient alors qualifiées de jardins mexicains du fait que la plupart des succulentes d’alors provenaient de cette région.

Deux grands établissements d’horticulture marqueront leur temps : celui des frères JAHANDIEZ à Carqueiranne, et celui d’Eugène DELRUE à Menton (ce dernier site existe toujours, mais il n’est plus en activité). Quant aux collectionneurs,

Colline de la paix (Villefranche 1892)

Cet espace fut créé par Robert ROLAND-GOSSELIN et perdura jusqu’à son décès en 1925. La propriété demeura ensuite à l’abandon, jusqu’à ce que la très belle résidence tombe sous les coups d’un promoteur en 1982. Un certain nombre de spécimens des collections purent toutefois être transplantés au domaine des Cèdres (24).

Jardin exotique de Monaco

Il fut initialement constitué par Augustin GASTAUD vers 1905, afin d’abriter la collection réunie pour le prince ALBERT . Le site devait être ensuite ouvert au public au début des années 1930.

Pour disposer d’une vue d’ensemble et complémentaire au présent exposé, quant à la réception de ce mouvement d’acclimatation des végétaux exotiques sur la Riviera, l’on pourra se reporter aux nombreuses recensions de jardins publiées dans les périodiques spécialisés de l’époque, notamment : Bulletin de la Société d’horticulture de Cannes (1865-1934) , Petite revue agricole et horticole (Antibes, 1895-1943) , Vie à la campagne (1906-1939).

On consultera également les comptes-rendus des « Concours de bonne tenue de jardin » organisés par la Société d’horticulture pratique de Nice dans les années 1900-1930.

Par ailleurs Emile SAUVAIGO alors directeur du Muséum d’histoire naturelle de Nice, devait publier en annexe de son Enumération des plantes cultivées dans les jardins de la Provence et la Ligurie (1899) une imposante liste de jardins de toute taille, recelant des collections botaniques (25).

Edouard ANDRÉ, Albert MAUMENÉ et le paysagisme exotique

Deux grands intervenants ont accompagné ce courant que nous qualifions de « paysagisme exotique », au regard de l’histoire des jardins sur la Riviera, Edouard ANDRÉ et Albert MAUMENÉ.

Paysagiste de notoriété internationale et passionné de botanique, Edouard ANDRÉ (1840-1911) soutint avec enthousiasme dans les revues qu’il dirigeait le mouvement d’acclimatation des plantes exotiques sur la Riviera, et participa à la configuration de nombreuses propriétés : à Monte Carlo les jardins publics du Casino, à Nice les jardins du palais Massena et du château Miramar, à Cannes les jardins des villas Lotus, Mon-joli et Pommery, enfin à Menton les jardins de la vallée du Carrei, devenus jardins Biovès.

En 1880 lors du lotissement Cannes-Eden, la municipalité lui offrira une parcelle pour édifier outre sa résidence, « un jardin paysager qui sera un spécimen de son art » et qui devra demeurer accessible au public pendant dix ans : la villa Colombia (aujourd’hui villa Endymion, le site n’abrite plus d’espace botanique) (26).

Deux des élèves d’Edouard ANDRÉ à l’Ecole nationale d’horticulture de Versailles, Auguste GIUGLARIS (1882-1963) responsable dans l’entre-deux guerre du Service des parcs et jardins de la ville de Nice, et Octave GODARD (1877-1958) architecte paysagiste de la Riviera, accompagneront l’art des jardins au cours de la première moitié du XXème siècle.
Ils seront aussi les animateurs de la Société d’horticulture pratique de Nice fondée en 1907 et qui poursuivra ses activités jusqu’aux années 1960 (27).
Outre un travail doctoral de premier plan, De l’acclimatation des végétaux exotiques dans le midi de la France (Thèse science, Université de Marseille, 1940), Auguste GIUGLARIS a publié un grand nombre de textes d’intérêt sur les jardins de la Riviera et l’acclimatation des végétaux ; ils mériteraient tout à fait d’être réunis au sein d’une publication d’ensemble. Dans l’attente on retiendra notamment ses contributions aux recueils collectifs Le comté de Nice (1945) et Le mémorial de Nice (1960).
Octave GODARD a concentré sur la Riviera son activité de paysagiste. Attaché au classicisme français, il concevra des ensembles d’une belle élégance, notamment les villas Croix des Gardes à Cannes ; Les Palmiers, Sainte Anne, Roseland et Château Azur à Nice ; Fantasia à Eze ; quelques uns figurent dans son recueil de planches Jardins de la Côte d’Azur (Massin 1927). O. GODARD animera pendant de longues années des « concours de bonne tenue de jardins », dont les résultats seront publiés par les périodiques spécialisés de la Riviera ; ces recueils apportent rétrospectivement de précieux témoignages sur les composantes horticoles des propriétés de l’époque.

Issu d’un milieu d’agriculteurs, puis d’une formation d’horticulteur, Albert MAUMENÉ (1874- 1963) partagera son existence entre l’animation du grand périodique Vie à la campagne, et une activité de conception de jardin qui lui vaudra la reconnaissance de ses pairs, puisqu’il sera élu à la présidence de la Société française des architectes de jardins lors de sa constitution en 1933.

A une époque où la fortune s’élevait assez largement encore sur une assise terrienne, Vie à la campagne visait à apporter informations et conseils à un lectorat d’implantation rurale, mais disposant du meilleur accès à une consommation de produits et services de luxe. De 1906 à 1939 ce périodique de grand format comptera 435 numéros. Il poursuivra sa parution sous la direction de collaborateurs de 1947 à 1966, mais dépourvu de son lustre d’avant-guerre. Enfin de 1920 à 1940 sera publiée une série dite exceptionnelle, composée de 118 numéros. Vie à la campagne à laquelle collaboreront de grands intervenants, notamment E. ANDRÉ , A. DUCHÊNE , J.C.N. FORESTIER , A. VERA et J. VACHEROT , publiait au moins une monographie de jardin à chaque livraison. Une soixantaine de ces recensions comportant photographies et descriptions de végétaux, sera consacrée aux propriétés de la Riviera, contribuant ainsi largement à les faire connaître, mais aussi à susciter sur place de nouvelles réalisations (28).
La revue avait absorbé un périodique antérieur du même type, Fermes et châteaux publié de 1905 à 1914, où la chronique jardiniste était assurée par J.C.N. FORESTIER (29). L’une comme l’autre de ces publications s’inspirait ouvertement d’un luxueux périodique anglais Country life , qui diffusera aussi nombre de monographies sur les jardins de la Côte d’Azur [fondée en 1897 cette dernière revue est toujours publiée].

La période après-guerre

L’après guerre apparaîtra peu prodigue en création de jardins de plantes.

Les principales réalisations nous paraissent être les suivantes (30).

Villa Leonina (Beaulieu 1948)

L’ex-villa Marinoni est implantée dans le secteur dit de la « Petite Afrique » à Beaulieu, particulièrement privilégié sur le plan climatique, étant à peu près enfermé par une falaise tombant à pic auprès du bord de mer.
Les volumineuses collections de la propriété réunies au fil de voyages dans le monde entier, furent constituées par un acteur de la finance internationale, grand amateur de chevaux de courses, de livres anciens et de botanique : Arpad PLESCH (1889-1974).
Après avoir fait l’objet d’un catalogue abondamment illustré de 331 pages in 4° (Lechevalier 1962), ces collections disparurent progressivement après le décès du mécène.
L’architecte et paysagiste Jacques COUELLE devait réaliser sa chapelle funéraire au cimetière de Monaco (31).

Val Rahmeh (Menton 1963)

Ce très beau jardin botanique auquel est généralement attaché le nom de sa dernière propriétaire anglaise (1958-1967 : informations cadastrales) Maybud CAMPBELL botaniste passionnée(32), est assez largement l’œuvre des dirigeants locaux du Muséum national d’histoire naturelle de Paris notamment Yves MONNIER, qui développeront la propriété à partir de 1963.

Comme pour toutes les collections vivantes du Muséum de Paris, celle du Val Rahmeh ne nous semble toutefois pas avoir d’avenir assuré, puisque leur suppression −au moins pour les importantes serres tropicales parisiennes du site de Chèvreloup− a pu être froidement décidée par le conseil d’administration de cette institution (33).

Jardin botanique de la ville de Nice (1983)

C’est à notre connaissance la seule création d’importance sur la Riviera qui soit due à l’initiative publique, quoique les moyens accordés pour l’entretien, et à fortiori le développement de cet espace d’intérêt régional majeur, semblent avoir beaucoup fluctué au fil du renouvellement des édiles municipaux.

Parc Phoenix (Nice 1991)

Réalisé dans le cadre de la loi sur l’urbanisme, cet espace de 7 ha comportant notamment une grande serre de 7000 m2 permettant une gestion différentiée des paramètres climatiques, ne constitue pas un jardin de collection, mais une somptueuse vitrine de végétaux choisis pour le plaisir des sens : coloris (fleurs, feuillages, écorces), port, fragrances, etc.

Ultimes réflexions.

Si l’histoire sur un plan épistémologique apparaît bien comme un bilan de l’expérience du passé, cette tranche que nous venons d’explorer, d’un siècle et demi d’acclimatation des végétaux exotiques sur la Riviera −et d’enrichissement de notre patrimoine botanique− nous paraît dégager au moins deux enseignements peu contestables : – l’histoire des jardins botaniques sur la Riviera se confond, à très peu d’exceptions près, avec l’histoire de leur disparition ; – la création, le développement, et le cas échéant la sauvegarde de ces jardins, a presque toujours relevé de l’initiative privée. Comment dès lors assumer les carences congénitales de la collectivité, avec un impératif devoir de préservation patrimoniale ?

Norbert PARGUEL

Publication originale, Nice historique, n°1-2009 −volume spécial

Sigles utilisés :

S.H.C. pour le Bulletin de la Société d’horticulture de Cannes
P.R.A. pour la Petite revue agricole et horticole (du littoral )
V.C. pour Vie à la campagne
R.H. pour la Revue horticole
B.S.B.F. pour le Bulletin de la Société botanique de France
S.H.P.N. pour la Société d’horticulture pratique de Nice

1) Alphonse KARR : Promenades hors de mon jardin (Lévy 1856, p.154sq) .
2) Présentation du domaine BERMOND par H. DOGNIOL : La palme d’honneur des Alpes maritimes, 1865 ; l’ouvrage comporte un plan de la propriété.
3) L’impératrice Joséphine et les sciences naturelles (Réunion des musées nationaux, 1997).
4) La correspondance des collaborateurs de JOSEPHINE avec le préfet DUBOUCHAGE a été publiée par G. MAUGUIN : Une impératrice botaniste (Revue des études napoléoniennes, 1933 p.234sq).
5) F. NARDY : Le jardin de M. Denis à Hyères (R.H. 1874 p.178sq). B. CHABAUD qui recense notamment les propriétés de Hyères où l’on trouvait des plantes exotiques au cours de la première moitié du 19éme siècle, estime que ces végétaux provenaient au moins pour partie du Jardin botanique de la Marine ; Jardins de la côte d’Azur, 1910 (in) La résistance au froid des palmiers (Champflour 1998, p.175sq)
6) Villa Thuret : descriptif des collections par Henry de VILMORIN (B.S.B.F. 1883, session extra. p. 26sq) puis par son petit-fils Roger de VILMORIN (B.S.B.F. 1950, session extra. p.105sq).
7) Recensions sur le domaine Sainte Anne dans S.H.C. vol. 1878, n°1-1886, n°3-1887, n°7-1888 et n°15- 1890. L’itinéraire des NABONNAND a fait l’objet d’un vol. spécial de la revue Hommes et plantes (n°45-2003) animé par François JOYAUX. Monographie sur le « Mas di roso » résidence de Clément NABONNAND dans P.R.A. des 8 et 22 juin 1930. Notons enfin que Lord (Henry Charles) BROUGHAM, 3éme du titre et neveu du pionnier des hivernants anglais, diffusera à Londres en 1898 une imposante List of roses now in cultivation at Château Eléonore (Cannes) comportant les qualifications de rigueur, notamment année d’obtention et origine.
8) Biographie de Eugène MAZEL dans S.H.C. n°1-1895 et monographie sur le domaine du Golfe Juan par H. de VILMORIN (B.S.B.F. 1883, session extra.)
9) J. d’EPREMESNIL effectuera lui-même une présentation du site Les Cocotiers dans S.H.C. n°5-1887 ; autres contributions : E. ANDRÉ (R.H. 1883 p.24) , H. de VILMORIN (B.S.B.F. 1883, session extra.), B. CHABAUD : Jardins de la côte d’Azur, 1910 (in) La résistance au froid des palmiers (Champflour 1998, p.200sq) et pour les Pépinières de l’Aube, S.H.C. n°4-1907.
10) Descriptif du domaine d’Empel dans S.H.C. 1er trim.1878 et B.S.B.F. 1950, session extra. p.108sq. Une monographie illustrée sur la famille VILMORIN a été publiée par G. TREBUCHET et C. GAUTIER (ed. locale 1982, Verrières Le Buisson).
11) Villa Vigier : Contributions de E. ANDRÉ (L’illustration horticole, 1874 p.124sq), R. ROLLAND-GOSSELIN (R.H.1896 p.279sq) et A. MAUMENÉ (V.C. n°58-1909). Pour la décoration intérieure de la villa, H. de MONTAUT (Voyage au pays enchanté, 1880 p.145) puis L’Eclaireur du dimanche (26 septembre 1926) et Mediterranea (août 1928) . Notice sur la propriété par D. GAYRAUD : Belles demeures en Riviera (Gilletta 2005, p. 176sq).
12) Villa Valetta : Monographies de E. ANDRÉ (R.H. 1882 p.117sq, 1883 p.29sq et R.H. 1888 p.112sq avec plan d’implantation des végétaux), H. de VILMORIN (B.S.B.F.1883, session extra.), P. RIFFAUD (Revue des sciences naturelles appliquées, 1889 p.120-148), S.H.C. n°11-1889 et ultérieurement A. MAUMENÉ (V.C. n°31-1908 et n°405-1937). Pour la villa Camille-Amélie dite encore villa Menier : S.H.C. n°1-1893, A. MAUMENÉ (V.C. n°6-1906) et C. GROSDEMANGE : Un bienfait horticole, 1913. Pour les aménagements de la nouvelle villa, depuis dénommée Saint Michel-Valetta, réalisés par Léon LEBEL : V.C. n°405-1937.
13) Axel PROSCHOWSKY a diffusé une foule de textes sur les jardins de plantes exotiques, notamment dans la Petite revue agricole et horticole, dont il fut un collaborateur régulier ; un descriptif de ses collections propres a notamment été publié tout au long de l’année 1915. Parmi les derniers exposés de l’auteur notons, Les parcs et jardins publics attrait principal de la Côte d’Azur (R.H. 1934 p.256sq et 1936 p.44sq). Diverses contributions d’époque ont également été réunies dans un recueil intitulé La résistance au froid des palmiers (Champflour 1998).
14) J.P. DEMOLY : Les cèdres, un jardin botanique d’exception (ed. Franklin Picard, 1999), l’ouvrage est illustré des somptueux clichés de Mme [Julien] MARNIER-LAPOSTOLLE. Citons également E. HYAMS : Great botanical gardens of the world (Nelson 1969), R. de VILMORIN (B.S.B.F. 1950, session extra. p.110sq) et A. PROSCHOWSKY (R.H. 1937 p.428). Un recueil d’hommages envers Julien MARNIER-LAPOSTOLLE et son chef-jardinier René HEBDING a été publié par le Journal de botanique, n°18 et 19-2002. On trouvera par ailleurs une monographie sur le domaine des Cèdres au temps de LEOPOLD II dans Vie à la campagne, n° 80 du 15 janvier 1910.
15) N. PARGUEL : Les jardins du Mentonnais, 1880-1930 (Bulletin de la Société d’art et d’histoire du Mentonnais, septembre 2003, vol. spécial « jardins »).
16) Jardin Bennet : Comptes-rendus de visite par C.A. BERTALL : La comédie de notre temps (vol.3-1876 p.160sq), S. LIEGEARD : La Côte d’Azur (1ére ed. 1887, ed. 1894 p.458sq) et E. VALLERAND (R.H. 1882 p.290sq). Contributions de R. CAMERON : Golden Riviera (Weidenfeld 1975, chap.17) et antérieurement de J.H. BENNET : La Méditerranée, la Riviera de Gênes et Menton (1880). Etat des collections dans Gardener’s chronicle des 11 avril, 16 mai et 6 juin 1868. Nous remercions par ailleurs Rolland GHERSI pour ses travaux inédits sur J.H. BENNET qu’il a bien voulu accepter de nous communiquer.
17) Villa Hanbury : Historique par M. MURATORIO et G. KIERNAN : Thomas Hanbury and his garden (Bacchetta 2004). Commentaires d’intérêt par C. QUEST-RITSON : The English garden abroad (Viking 1992, chap.IV) , S. LIEGEARD : La Côte d’Azur (ed. 1894 p.466sq) , A. P. MARTINEAU : Gardening in sunny lands (Cobden 1924, p.181sq) et G.R. BALLANCE (Menton and Monte Carlo news, 21 janvier 1928). Descriptif des collections par A. MAUMENÉ (V.C. n°8-1907) , Cecil HANBURY (Country life, 11 février 1928) enfin Dorothy HANBURY [épouse de Cecil, fils de Thomas] : La Mortola Garden (Oxford university press, 1938). Etat des plantes en fleur au mois de Février 1882 par E.VALLERAND (R.H.1882 p.291sq).
18) Une partie des collections de la villa Africa a été décrite par R. de VILMORIN (B.S.B.F. 1950, session extra. p.120sq) ; biographie du mécène et astrophysicien R. JARRY-DESLOGES dans le Bulletin de la Société astronomique de France (Octobre 1951).
19) Villas KAHN : Monographies sur les collections botaniques dans P.R.A. du 8 octobre 1922 , E. de GANAY (Gazette illustrée des amateurs de jardins, vol. spécial « Côte d’Azur » 1936 ) et A. GIUGLARIS (Eclaireur agricole et horticole n°23-1922, puis B.S.B.F. 1950 session extra. p.130sq).
20) Villa Roquebrune : Présentation par C. QUEST-RITSON : The English garden abroad (Viking 1992, p. 52sq) et V. RUSSELL : Gardens of the Riviera (Little Brown 1993, p.71sq) ; descriptif des collections par Basil LENG et P. SYNGE (Journal of the Royal horticultural Society, octobre 1966), Charles de NOAILLES (Gazette illustrée des amateurs de jardins, année 1976) et biographie de Norah WARRE par B. GORIS-PONCÉ (Bulletin de la Société d’art et d’histoire du Mentonnais, septembre 2003, vol. spécial).
21) Monographie sur le Clos du Peyronnet par G.R. BALANCE (Menton and Monte Carlo news, 12 février 1927) et plus récemment E. BOURSIER-MOUGENOT et M. RACINE : Jardins de la Côte d’Azur (Edisud 1987 p. 154sq et pour les collections p.169sq).
22) La seule biographie existante de Lawrence JOHNSTON a été rédigée par F. et J.C. BOTTIN (ed. refondue, Jardins de France, avril 2005) ; recensions de visite par E. de GANAY (Gazette illustrée des amateurs de jardins, vol. spécial « Côte d’Azur » 1936 et Plaisirs de France, octobre 1939) puis R. de VILMORIN (B.S.B.F. 1950, session extra. p.121sq).
23) N. PARGUEL : La société d’horticulture de Cannes (in) Demeures anciennes et beaux jardins (Ville de Cannes, 2005).
24) Notice sur la villa Colline de la paix par L. THEVENON : Fantaisies architecturales de la Belle Epoque à Nice (Serre 1999, p.38sq).
25) Pour d’autres repères, N. PARGUEL : Archives de jardins sur la Riviera (Jardins du Sud – Bulletin de l’Association des parcs et jardins de PACA, n° 3-2005 et 4 -2006). Un recueil de photographies d’époque est à paraître aux Editions Gilletta.
26) Le dossier Cannes-Eden est conservé dans le fonds ANDRAU des Archives municipales de la ville de Cannes.
27) Biographie d’Auguste GIUGLARIS par E. HILDESHEIMER (Nice historique, n°1-1995). Notice sur Octave GODARD par son fils Marcellin (in) R.CAWKER : Cathédrales vertes de Nice (Institut français d’urbanisme, 1996) ; sa correspondance avec Paul GIROD fondateur de la société Ugine et mécène de la villa Croix des gardes à Cannes, permet de retracer le début de sa carrière (Présentation effectuée par T. JEANGEORGES , Polia n°4 -2005).
28) Les archives professionnelles et éditoriales de Albert MAUMENÉ n’ont semble t-il pas été conservées. De la monumentale photothèque de jardins qu’il avait constituée au fil d’un demi-siècle d’investigations, un espoir existe peut-être d’en identifier un jour les composantes au sein des quarante millions de clichés entassés dans les fonds du Groupe HACHETTE. Pour l’instant n’ont été retrouvées que les maquettes des volumes de la série exceptionnelle de la revue.
29) J.C.N. FORESTIER publiera notamment une belle monographie sur le jardin de Claude MONET à Giverny (Fermes et châteaux, septembre 1908). On ne lui connaît sur la Riviera qu’une seule réalisation, la Bastide du Roy, et en Languedoc la fastueuse propriété Joseph Guy. Entre temps il aura édifié en Espagne d’imposants espaces mauresques ; on se reportera à son ouvrage : Jardins. Carnets de plans et dessins (1920, Picard 1994).
30) Un recueil portant sur quelques jardins de collection de la Riviera en activité au tournant du 21éme siècle, a été publié dans un vol. spécial de Jardins de France (avril 2005) animé par N. PARGUEL.
31) Petite Afrique et villa Marinoni : Bulletin de la SHPN, n° 6 -1908 p.130 sq. Le tombeau de A. PLESCH, abrité par une abside médiévale de remploi, se trouve à l’entrée basse du cimetière de Monaco.
32) Maybud CAMPBELL : The English contribution to the knowledge of the flora of the Alpes Maritimes (Riviera scientifique, vol. 1959-1961), I. CHAMBERLAIN : Common objects of the Riviera, 1913 et J. KIRALY : L’influence anglo-saxonne sur le développement de la Côte d’Azur (Université de Nice, Département d’anglais, 1997 p.615sq).
33) N. PARGUEL : Les collections tropicales vivantes du Muséum national d’histoire naturelle (Bulletin de la Société des gens de jardins méditerranéens, n° 35-1998).

Edouard ANDRÉ : Promenade dans les jardins du midi (Revue horticole, 1883 p.21sq)

B.CHABAUD : Jardins de la Côte d’azur, 1910 (in) La résistance au froid des palmiers (Champflour 1998)

P. CHOUARD : Jardins botaniques de la Côte d’Azur (La terre et la vie, mars 1932)

A. GIUGLARIS : De l’acclimatation des végétaux exotiques dans le midi de la France (Université de Marseille, Thèse Sciences 1940)

J.L. HADJI-MINAGLOU : Les jardins d’agrément de Nice et du pays niçois (Université de Nice, Département de sociologie, 1991) ; travail regrettablement inédit.

A.P. MARTINEAU : Gardening in sunny lands (Cobden 1924, préface de Edith WHARTON) ; l’ouvrage comporte également un glossaire anglais-français remarquable.

Y. MONNIER : Promenade aux jardins du pays mentonnais (Ville de Menton, 2007)

C. de NOAILLES et R. LANCASTER : Plantes de jardins méditerranéens (Larousse 1977)

J.B. de VILMORIN : Le jardin des hommes (Pré aux clercs, 2éme ed. 1996)

R. de VILMORIN : La flore exotique acclimatée sur la Côte d’azur (B.S.B.F. 1950, session extra.) ; le plus imposant des bilans.

Les beaux jardins de la Côte d’Azur (Jardinage, février 1924 et janvier 1937, vol. spéciaux) ;
le périodique Jardinage (1911-1939) était édité par les Etablissements TRUFFAUT.
Les botanistes à Marseille et en Provence (catalogue d’ exposition, Ville de Marseille 1982).
Jardins de la Côte d’Azur (Actes du congrès international d’horticulture de Nice, S.H.P.N. 1958)
Le voyage des plantes (Musée Balaguier, 2008)

Alphonse KARR

Nice t’a donc prêté le bord de ses corniches
On dit que d’écrivain tu t’es fait jardinier
Qu’en un carré de fleurs tu as jeté l’ancre

A. de LAMARTINE Lettre à Alphonse Karr , 1857

Alphonse KARR fut niçois à partir de 1853. Passionné de plantes et de jardins depuis toujours, contribuant à l’occasion à la chronique des publications horticoles, il prolongera ce penchant vers une activité professionnelle.

Il constituera à Nice un site de floriculture à grande échelle aux abords de l’église Saint Etienne. Il en sera exproprié quelques années plus tard lors de la création du PLM, et se déplacera plus à l’ouest, alentour de la rue Balzac.

Alphonse KARR fut semble t-il un innovateur en entreprenant le commerce des fleurs à Nice, jusqu’ici l’apanage des quelques cultivateurs qui tenaient un banc de fruits et légumes sur les marchés locaux.

Le succès de son établissement suscita des émules : « Je suis ici le dernier jardinier, tous mes confrères sont horticulteurs », déclarait-il.

En 1865 il sera désigné comme rapporteur de l’exposition florale régionale. Les hivernants titrés qui recouraient à ses services pour leur décoration, le sollicitèrent bientôt au profit de leurs résidences européennes.

Soutenue par une publicité effectuée dans Les guêpes, périodique qu’il animait depuis 1839, l’exportation horticole fut un succès.

Ouverte à l’enseigne ALPHONSE KARR JARDINIER l’entreprise produisait essentiellement des roses (6000 pieds en culture) des violettes de Parme, et des anémones. Ultérieurement on se lancera également dans le commerce des fraises.

En 1867 Alphonse KARR se retirera à Saint Raphaël au sein d’une propriété qu’il dénommera Maison Close, et cédera son activité niçoise, laquelle se poursuivra encore pendant près d’un siècle à l’enseigne des Etablissements Lambert.

Bibliographie :

A. KARR : Promenades hors de mon jardin (Lévy 1856, p.154sq) , Rapport sur l’exposition florale régionale (1865) et La maison close (1870 p. 113sq).

Biographie horticole de A. KARR par l’un de ses pairs et proches, F. NARDY (P.R.A. 9 avril 1895).

Autres proches : L. SÉCHÉ, Alphonse Karr jardinier (Revue des Français, 20 février 1914) et E. BLAVET : L’ami des roses (Le Gaulois, 30 juillet 1912).

Sur la résidence de Saint Raphaël, F. SAHUT : Les jardins de Maison Close (Annales de la Société d’horticulture et d’histoire naturelle de l’Hérault, 1890 p.93sq) et S. LIEGEARD : La Côte d’Azur (1ére ed. 1887, ed. 1894 p. 61sq).

Gravures sur l’établissement niçois dans L’Illustration du 5 février 1859 et Le Monde illustré du 8 février 1868 ; sur Maison Close, dans L’Univers illustré des 20 février 1864 et 18 octobre 1879, L’Illustration du 4 octobre 1890 et le recueil précité de S. LIEGEARD. Biographie de référence par Derek SCALES (Droz 1959).

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