Incroyables jardins baroques allemands

Voyage du 09 au 14 juin 2008, organisé par la section Art des jardins de la SNHF.

L’ Allemagne a conservé et restauré certains lieux importants de l’histoire des jardins européens.

Cette année, nous découvrirons l’évolution du style baroque, une manifestation exemplaire des idées du 17ème siècle. Les courbes des dessins complexes nous accompagneront dans un parcours paradoxal. Car le baroque, sur le territoire des anciennes principautés, est le reflet d’une fuite en avant entre l’inquiétude religieuse et la joie d’un temps de paix, au sortir de la guerre de trente ans. On parlait alors de « Lustgarten » où jardin de plaisance, une synthèse entre le maniérisme italien et le modèle français qui vit le jour aux feux du Soleil de Versailles et qui s’en libera après 1715.

Découvrez ces jardins, témoins de l’histoire.

Weikersheim (Bade-Wurtemberg)

Ce lieu devint la résidence des Hohenlohe après la guerre de Trente Ans (1648). Le programme baroque comporte une ordonnance symétrique, des parterres fleuris, une statuaire, des jeux d’eau et une grande orangerie inscrite dans la perspective principale. A partir de 1750 commença la période rococo que caractérisait une ornementation maximale. Les quelques 522 plantes exotiques de l’orangerie furent utilisées en été pour orner le jardin. Le toit de l’orangerie reçu balustrade, obélisques et statues. Les bordures de parterres furent retracées en cheminements tourmentés. Un bassin fut creusé pour y recevoir une fontaine d’Hercule. La statuaire, toujours présente, combine dix-huit thèmes distribués dans les quatre directions du jardin. Mais en 1805, la collection botanique ne comptait plus que 30 plantes et la mode n’était plus à la symétrie. Weikersheim subit alors la vague romantique, laquelle épargna cependant la statuaire. La simplification commença. En 1831, les fontaines d’Hercule et de l’orangerie furent comblées et plantées. Cet état perdura jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1952 que débuta une longue période de restauration. L’état actuel reprend le dessin connu en 1750, sans les parterres de broderie, mais avec des bordures fleuries, la statuaire d’origine, l’orangerie et les bassins restitués.

Veitshöchheim (Bavière)

La guerre de Trente Ans était terminée quand en 1680-82 fut construite une résidence d’été à quatre pavillons d’angle, dominant l’axe du jardin, un vivier à carpes, deux bassins, un jardin de fleurs, un potager, une faisanderie. En 1686, le domaine fut agrandi vers le Sud dans ses limites actuelles. L’élan d’un jardin baroque fut donné en 1702 par le Prince Evêque Johann Philippe von Greiffenclau. Le programme initial comportait un très grand bassin à jet d’eau, alimenté par une prise d’eau au Main, un système de canalisation, de roue de relevage et de réservoir de charge. A partir de 1721, le nouveau Prince Evêque Johann Philipp Franz von Schönborn confia les travaux à Balthasar Neumann. En 1625 furent disposées les innombrables statues en provenance des anciennes résidences des Greiffenclau. La statuaire fut complétée en 1752 par les frères van der Auvera et par J.P.A. Wagner. Nouveau ressaut de l’histoire européenne en 1763 quand prend fin la guerre de Sept Ans et que débute la période rococo du domaine. L’ornementation est décuplée, confiée à l’architecte des bâtiments Johann Philipp Geigel. Tout passe à la nouvelle mode, la grande cascade d’Hercule (détruite dans le bombardement de 1945), les parterres fleuris, la grotte fantastique (Materno Bosi), les jeux d’eau qui furent sa spécialité, tandis que celle de Ferdinand Tietz était la statuaire. L’apogée du parc dura 40 ans. La nouvelle mode paysagère du 19ème siècle ne toucha Veitshöchheim que tardivement et légèrement, après la sécularisation de 1803. Dès 1919 la Bavière fut absorbée dans l’Empire et à partir de 1926, ce fut le temps des inventaires et des études, des constats et des restaurations. Voici comment le caractère historique du style baroque fut remis au grand jour.

Kiosque de Veitshöchheim

Résidence de Würzburg (Bavière)

La Résidence du Prince Evêque de Würzburg a été bâtie entre 1720 et 1744 sur les plans de Balthasar Neumann. Son jardin rococo est du à Johann Demeter et à Johann Prokop Mayer. Ce dernier avait déjà une forte expérience acquise depuis 1755 en Allemagne, Autriche, France, Pays-Bas et Grande-Bretagne. L’agencement, dans l’enceinte étroite des fortifications de la ville, explique le compartimentage symétrique. A noter que les copies des statues de J.P.A. Wagner sont une merveille d’espièglerie et de détails. La partie sud du parc fut paysagée au 19ème siècle. A partir de 1950, le Département des Bâtiments de Bavière restaura le jardin de la Résidence dans son état du 18ème siècle. Chaque année, les 9 ha de jardin sont ornés de 70 000 annuelles cultivées dans les serres du parc et, depuis 1981, la Résidence et ses jardins sont inscrits sur la liste de l’Héritage Culturel Mondial de l’UNESCO.

Jardin des Princes au Marienberg (Bavière)

Le jardin des Princes s’inscrit sur le coté oriental du promontoire de la forteresse (Festung). Il sert donc de transition visuelle depuis les appartements princiers vers le Main et vers la ville. Pour y accéder, nous devrons cheminer depuis le bastion ouest à travers les portes fortifiées et les enfilades de cours. Le jardin des Princes fut commandé par Johann Philipp von Schönborn et complété en 1700 par Johann Philipp von Greiffenclau à l’emplacement d’un autre jardin signalé dès 1523. Il comporte deux fontaines cascade, une belle balustrade, un parterre à huit compartiments, quatre statues mythologiques (copies d’oeuvres attribuées à Jakob van der Auvera) et deux pavillons latéraux. Le dessin des parterres fut restauré en 1937-38 d’après les plans du 18ème siècle et planté de rosiers. Le secret du lieu est la vue sur la ville qu’il faut aller apprécier en fin de journée.

Le jardin des Princes (Forteresse de Marienberg)

Cascade de la Wilhemshöhe (Hesse)

Le monumental était au programme du comte Karl après son retour d’Italie 1699-1700. La grande Cascade s’étend à flanc de coteau sur 210 mètres au pied de l’octogone d’Hercule. Ce n’est en réalité qu’un tiers du projet initial de Francesco Guerniero (1702-18). Elle s’inscrit dans l’axe principal traversant le parc et la ville sur plus de 3 km et ne constitue qu’un des éléments monumentaux d’un domaine de 240 ha. Une journée ne suffirait pas pour détailler les recoins du parc inscrit sur un terrain très pentu et difficile à parcourir. Citons notamment le lac, l’île des roses, la salle de balle, les temples d’Apollon, de Mercure, la grotte de Sybille, celle de Pluton, celle de Pan, la pyramide, l’ermitage de Socrate, le tombeau de Virgile, l’aqueduc, la nouvelle chute d’eau, le pont de l’Enfer, le château romantique de Löwenburg, le hameau chinois (Mulang), etc. La SNHF a choisi de limiter la visite de la Wilhemshöhe à la partie haute de la grande-cascade afin de vous épargner une longue marche tout en vous offrant l’avantage du panorama et des grandes eaux (le mercredi à 14h00). Cette cascade jailli sous l’octogone massif et après plusieurs savant ressauts s’achemine dans un escalier d’eau de 9 mètres de large jusqu’au bassin de Neptune.

Parc de Wilhemstahl (Hesse)

Grotte de Wilhemstahl (1794)

Le plan en pate d’oie est semblable à celui de la Karlsaue de Kassel due à André Le Nôtre. Ici le plan plus tardif date de 1743 et il est du pour partie à François de Cuvilliès, architecte de Wilhelm VIII, pour partie au dessin de Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff (architecte de Frédéric II le Grand). La superficie du parc de la résidence d’été des comtes de HesseKassel est de 35 ha. Le plan initial du parc de forme pentagonal comportait trois axes : au Nord le vallon du ruisseau de Wiesental, au centre le réservoir et la cascade, au sud le canal de la grotte, le pavillon chinois (1746-disparu). La cascade ne fut que partiellement réalisée et l’axe nord jamais commencé, de sorte qu’à partir de 1795, à la demande de Wilhelm IX, la totalité du parc fut aménagée en parc paysager par Daniel August Schwartzkopf. On ajouta la tour de guet néogothique. Ce n’est qu’en 1962-65 que fut reconstruit le canal de la grotte de Knobelsdorff, reconstitués les jeux d’eau, ajoutés les ornements typiques du milieu du 18ème siècle.

Jardins de Benrath (Nord-Rhénanie-Wesphalie)

Le château actuel, fut construit en 1755 pour le prince électeur Karl Theodor, et dessiné dans le goût du baroque français par l’architecte lorrain Nicolas de Pigage. Le château apparaît au public comme un ermitage isolé sur la rive d’un immense plan d’eau circulaire. Il se trouve dans un parc de 60 ha composé de plusieurs jardins, potager, canaux et bosquets. Cet ensemble a été restauré sur le plan du 18ème siècle après l’habituel épisode paysager du 19ème siècle. Les jardins actuels forment un résumé de l’art des jardins. Face à l’aile de la Princesse Elisabeth Auguste se trouve l’espace formel à la française et sa chaîne d’eau ouvert sur une perspective lointaine. Face à l’aile opposée, celle du Prince Electeur Karl Theodor, se trouve le jardin à l’anglaise sur le dessin de Friedrich Maximilian Weyhe et de Peter Joseph Lenné. L’axe principal du parc est occupé par un large canal précédé des groupes de Bachus et Pomone, Maleagre et Atalante, Flore et Pan.

Benrath : le pavillon de la Princesse Elisabeth Auguste

Musée de l’art des jardins à Benrath

Il occupe les deux étages de l’aile est des chevaliers (coté jardin français). Il présente à travers une riche iconographie l’évolution des jardins européens et leur influence sur les créations allemandes anciennes et modernes. Un nombre important de documents informe également sur les jardins français du passé. Ce musée a été ouvert en avril 2002 au sein du réseau européen d’Art des jardins (EGHN).

Augustusburg (Nord-Rhénanie-Wesphalie)

Il fut commandité en 1725 par Clemens August Prince Electeur Archevêque de Cologne. Le plan du château est dû à l’architecte de la cour de Bavière, François de Cuvilliès et le plan des jardins à Dominique Girard, un élève d’André Le Nôtre. L’axe principal du jardin fut placé face à l’aile sud du château. Les parterres de broderie finement dessinés et fleuris précédent les salles de verdures et les bosquets relativement conservés. Vers l’Ouest s’étendent des jardins clos également très travaillés. Le grand parc et ses bosquets fut en revanche paysagé par Peter Joseph Lenné en 1842 à la demande du roi de Prusse Friedrich Wilhelm IV. Le site est inscrit depuis 1984 sur la liste de l’Héritage Culturel Mondial de l’UNESCO.

Grand parc de Schweztingen (Bade-Wurtemberg)

le château et ses abords furent dessinés et créés par les architectes Alesandro Galli da Bibiena et Nicolas de Pigage pour le Prince Electeur Karl Theodor, à partir de 1743. Les jardins baroques sont dus à l’architecte lorrain de Pigage et au jardinier de cour J.L. Petri. Ils s’ouvrent sur un parterre circulaire entouré de bâtiments formant péristyle en hémicycle (1749-50). Au-delà s’étendent bosquets, bassins et un grand canal terminal et perpendiculaire à l’axe principal. Latéralement furent créés différents enclos d’agrément, pleins d’imprévu : la Volière, le Théâtre de plein air de style rococo (1752), la fameuse orangerie de Pigage (1762) dont les parterres sont entourés d’un fossé d’eau, puis la Maison des Bains. Certains éléments d’ornement sont inspirés des jardins de Stanislas (Lunéville, La Malgrange, Steinville, Commercy, etc.). D’autres tels les oiseaux métalliques de la volière (anciennement à la Malgrange), des statues(Atalante, nymphe, animaux marins, l’Arion attribué au sculpteur Barthélemy Guibal, ainsi que les enfants et le sanglier, etc.) et certaines girandoles sont réputées provenir des châteaux lorrains de Stanislas, après l’inventaire de 1766. A cet ensemble parfaitement conservé, combinant les particularités lorraines et italiennes, fut incorporé un parc paysager. Les parties extérieures du grand parc furent transformées en jardin anglais par Friedrich von Sckell dans les années 1776-86. Il redessina les bassins rectangulaires en leur donnant des berges sinueuses d’un lac et ajouta différentes fausses ruines. Les nouvelles fabriques furent cette fois encore confiées à Nicolas de Pigage et ce furent le temple de la flore sylvestre, l’aqueduc romain, le temple de Mercure et la mosquée turque (1778-1795), avec son jardin. Les aménagements en restèrent là lorsque Karl Theodor accéda en 1778 au trône de Bavière, transférant alors sa résidence à Munich. Le parc a été récemment restauré. Le grand parterre l’a été en 1974, sur le plan initial de Petri.

Jardins de Favorite (Bade-Wurtemberg)

Ce château fut conçu dans les années 1710-20 comme retraite de campagne de la marquise Sibylla Augusta von Baden-Baden, veuve de LouisGuillaume, dit « Louis le Turc ». Les travaux furent confiés à l’architecte Michael Ludwig Rohrer. Le plan des jardins réguliers était alors organisé sur un axe principal. Après 1771, le domaine passa à la branche Baden-Durlach, le jardin déclina et fut réhabilité à la mode anglaise par Johann Michael Schweykert. Le schéma baroque fut réduit, seuls demeurèrent les bâtiments, le vivier rectangulaire, le jardin de l’ermitage et le bois de la Faisanderie. Les travaux de Schweykert continuèrent jusqu’en 1805 suivant les théories de Lancelot Brown (Capability) et de Humphrey Repton. Au-delà du château fut dessinée une grande prairie, équilibrée de groupes d’arbres, ouverte sur un étang, son île et le paysage lointain.

Frédéric Pernel
Section Art des Jardins 
Société d’Horticulture de Reims

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

4 × 1 =