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Les camélias, des fleurs durant 8 mois !

Pour le commun des mortels, les camélias sont en fleurs du milieu de l’hiver au milieu du printemps.

C’est effectivement la période essentielle, le « gros du peloton » (80 à 90% des variétés horticoles) fleurit de février à mi-avril : mais si on aime, que la passion l’emporte, que l’on souhaite prolonger cette période, c’est tout à fait envisageable avec les camélias précoces qui démarrent dès le mois d’octobre et pourquoi pas aller jusqu’à la fin mai avec les plus tardifs.

Précisons au préalable que l’on retient ici, les périodes de floraison dans les régions aux hivers et printemps doux (Bretagne, côte atlantique, Manche), où le climat convient le mieux aux camélias et correspond à ses régions d’origine. Dans les zones plus septentrionales à l’hiver plus marqué, les fleurs sont naturellement moins présentes de décembre à février, ce qui provoque une explosion de la floraison sur mars et avril.

D’une année à l’autre, dans la même région, il y a également des variations liées aux facteurs climatiques changeants : été plus ou moins sec (période où se forment les boutons), automne et hiver plus froids que la normale…

Pour être complet dans l’approche, il faut aussi souligner que l’emplacement du jardin et la place des camélias dans le jardin ont aussi leur influence sur la période et la durée de la floraison (l’exposition au nord et à l’ombre retardant la période d’épanouissement).

Pour rester sur une image « Tour de France », nous allons donc évoquer les cultivars qui font la course en tête, ceux qui fleurissent dès l’automne et finir par la queue du peloton, ceux qui permettent de profiter d’une floraison tardive, jusqu’à fin mai suivant les années.

A l’automne, les fleurs sont quand même plutôt rares au jardin, raison de plus pour apprécier Camellia sasanqua au port buissonnant, aux petites feuilles et petites fleurs très faciles à associer dans les massifs ou haies fleuries, y compris au soleil car cette espèce le supporte bien et même y fleurit plus abondamment.

camélias ‘Pink Goddess’ © Pépinières Stervinou
‘Pink Goddess’ © Pépinières Stervinou

Ces variétés de C. sasanqua fleurissent pour la plupart d’octobre à décembre : le choix est vaste, citons-en quelques-uns parmi les meilleurs :

En rose : ‘Plantation Pink’, vigoureux et dense idéal en haie. ‘Showa no Sakae’, bien parfumé, au port retombant adapté aux pentes ou aux poteries. ‘Pink Goddess’, grandes fleurs simples parfumées sur une plante dressée au port régulier.

En blanc : ‘Early Pearly’, fleur parfaite et ‘Survivor’, petites fleurs lumineuses sur un feuillage vert sombre.

camélias ‘Yume’ © Pépinières Stervinou
‘Yume’ © Pépinières Stervinou

En rouge : ‘Hiryu’ (kanjiro) est une valeur sûre, excellent en haie libre ou formée. ‘Yuletide’ aux petites fleurs simples rouge vif est aussi remarquable pour sa floraison de Noël (novembre-janvier).

A la même période, ‘Yume’ (x de sasanqua) aux fleurs bicolores rose et blanc est un cultivar de petite taille, charmant en pot.

Dès la Toussaint en Bretagne et courant novembre, apparaissent les tout premiers camélias «classiques» à grandes fleurs : trois variétés anciennes, connues des amateurs peuvent garnir les bouquets, les tables de fin d’année : ‘Nobilissima’, un blanc de référence datant du 19e siècle ; ‘Gloire de Nantes’, rose semi-double très florifère à croissance lente et un peu plus tard (décembre) ‘Madame Lourmand’, autre variété nantaise, fleurs simples blanc pur.

A ces anciens, il faut absolument ajouter, parmi les précoces, certains hybrides plus récents, de grande valeur : ‘Freedom Bell’, rouge vif en clochettes ; ‘St Ewe’, très vigoureux aux fleurs simples rose vif ; ‘Inspiration’, fleur plus grande que ‘St Ewe’.

Certains C. japonica pointent aussi le bout de leur corolles dès la fin décembre : ‘Takanini’, rouge foncé, très florifère ; ‘Ave Maria’, floraison classique rose tendre ; ‘Sanpei Tsubaki’ et d’autres…

camélias ‘Madame Lourmand’ © Pépinières Stervinou
‘Madame Lourmand’ © Pépinières Stervinou

Ne pas oublier l’espèce C. transnokoensis, aux fleurs blanches miniatures parfumées.

Nous l’avons dit, février à début mars voit éclore l’essentiel des cultivars de C. japonica et ses hybrides (impossible de les citer, tellement ils sont nombreux !) ainsi que les hybrides de C. reticulata, à très grandes fleurs (et qui aiment le soleil !). Les camélias champêtres, espèces ou hybrides à petites fleurs et petites feuilles, sont aussi au mieux de leur floraison en cette fin d’hiver.

A la fin de la débauche des fleurs apportée par les mois de mars et avril, il serait dommage d’oublier les retardataires qui accompagnent la floraison les azalées, rhododendrons et autres arbustes printaniers.

Voici une petite sélection de ces camélias tardifs, qui suivant les années et la précocité du printemps, peuvent encore être en fleurs à la fin du mois de mai :

Dans les coloris rose, citons : ‘Spring Formal’, rose vif classique ; ‘Nuccio’s Caméo’ à grandes fleurs ; ‘Kerguelen’, au feuillage argenté ; les hybrides ‘Olé’ et ‘Mimosa Jury’ ; ‘Spring Festival’, un hybride à petites fleurs de grand intérêt.

camélias ‘Kerguelen’ © Pépinières Stervinou
‘Kerguelen’ © Pépinières Stervinou

Dans les rouges : ‘Black Lace’, ‘Holly Bright’ au feuillage de houx, ‘Blood of China’ ou ‘Margherita Coleoni’, très vigoureux et bien sûr le célèbre ‘Coquettii’.

Parmi les derniers C. japonica blancs à fleurir, on ne peut qu’admirer ‘Janet Waterhouse’, ‘Nuccio’s Gem’ ou ‘Dahlonega’, légèrement teinté de jaune primevère.

Nous sommes début septembre, il ne reste plus qu’un mois à attendre avant de voir apparaître les premières fleurs de la prochaine boucle !

Martine Soucail et Alain Stervinou pour la section AAO

camélias ‘Holly Bright’ © Pépinières Stervinou
‘Holly Bright’ © Pépinières Stervinou

Multipliez les camellias

Retrouvez tous les conseils de la section pour multiplier les camellias.

Le greffage

La meilleure saison pour greffer vos camellias se situe de février à avril, avant le départ de la végétation.
Les porte-greffes ont vécu 3 à 5 ans dans leurs pots. Ils mesurent environ 5 à 10 millimètres de diamètre.

Après l’avoir étêté, fendez votre porte greffe selon la diagonale, sur 2 cm de longueur. Le greffon est une brindille de l’année précédente. Gardez trois feuilles et raccourcissez-les afin de diminuer l’évaporation. Taillez votre  greffon en biseau.

Insérez le greffon. Les cambiums du greffon et du porte-greffe doivent être en contact. Ligaturez (raphia par exemple) et recouvrez d’une bouteille en plastique qui maintiendra l’atmosphère humide.

Placez dans un endroit abrité et ombragé. N’arrosez pas avant le démarrage du greffon. Puis, arrosez avec parcimonie. Aérez légèrement en enlevant le bouchon de la bouteille Quand les premiers bourgeons apparaissent, habituez la plante à l’air ambiant en enlevant progressivement le bouchon de la bouteille puis toute la bouteille. Déplacez progressivement la plante vers un espace plus lumineux.

Le marcottage

Vous devrez enterrer une branche basse de l’arbuste ou la recouvrir d’une butte de terre après l’avoir ancrée au sol.

Auparavant vous aurez prélevé sur cette branche, à l’endroit que vous désirez enterrer, un anneau d’écorce  de 2 centimètres de longueur.

Vous devrez saupoudrer ou badigeonner cet anneau d’hormone de bouturage. N’oubliez pas de supprimer une partie du feuillage.

Le marcottage aérien

Choisissez l’extrémité d’une branche vigoureuse. Découpez et supprimez un anneau d’écorce de 2cm de longueur.

Saupoudrez ou badigeonnez  d’hormone de bouturage. Entourez la blessure de mousse des bois.

Empaquetez avec du papier d’aluminium et fermez aux deux extrémités de votre manchon. Les racines apparaitront au mois de juin.  Vous planterez votre camellia après l’avoir sevré du pied mère en septembre / octobre.

Françoise Brivet
section Camellia

L’histoire du Camellia

Qui ne connait au moins le célèbre titre d’Alexandre Dumas fils : “la Dame aux Camelias”, paru en 1848 et préfacé par Jules Janin ?

L’histoire est celle de Marie Duplessis, grande courtisane du temps de Louis-Philippe et qui fut célèbre, dit-on pour cette fleur dont elle ornait volontiers son corsage. Marie Duplessis est-elle d’ailleurs la Femme-Camellia, du beau livre de Grandville “Les Fleurs animées”, paru sous l’Empire ?

Dumas est à l’origine d’une confusion orthographique regrettable, car le nom de la plante s’écrit en toute orthodoxie Camellia, avec deux « L » !
Charles Linné¹ dédia en effet cette plante au père Georges Joseph Kamel ou Camellus, qui était alors réputé avoir voyagé en Chine et au Japon et avoir introduit le premier Camellia en Europe… On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien et que Kamel, qui fut par ailleurs un remarquable naturaliste, ne quitta jamais les Philippines et ne put donc rencontrer le Camellia ! L’histoire botanique est d’ailleurs coutumière de ce genre de confusion, car Magnol n’a probablement jamais vu de Magnolia, ni Bégon de Bégonia !

Si l’on en croit la légende, Marie Duplessis, atteinte comme on le sait de phtisie, aurait préféré cette fleur belle et inodore, à tout autre pour ne pas être incommodée par un parfum. Une facture de son fleuriste Ragonot, parvenue jusqu’à nous² authentifie ce goût pour le Camellia. Elle portait ”vingt cinq jours du mois un Camellia blanc et les cinq autres jours, un Camellia rouge”… élégante et coûteuse enseigne pour une femme de son état !

A cette époque, le Camellia passe pour plaire aux “flambards”³ et symbolise bien le train de vie qu’elle imposait à ses admirateurs, avant que de les ruiner. Très demandées, les boutonnières de Camellias nécessitaient d’ailleurs de maîtriser la culture de forts sujets, sous abris froids ou chauds, afin d’en échelonner la floraison depuis le mois d’octobre jusqu’à mai. Les fleuristes savent bien que, grâce aux chemins de fer, les fleurs de Camellia, cueillies le matin à Nantes, étaient immédiatement façonnées en boutonnières et acheminées le soir même à Paris pour la sortie des théâtres.

Mais sait-on la singulière histoire de cette fleur indispensable aux salons romantiques ?

Il faut chercher l’arrivée du Camellia en Europe à travers celle du Thé, le Camellia sinensis, dont la végétation lui ressemble beaucoup et que les botanistes considèrent d’ailleurs aujourd’hui comme une espèce voisine. Erreur d’importation ? Tromperie délibérée des Chinois voulant protéger leur patrimoine économique ?
Les premiers Camellias sont arrivés par hasard à Londres, à la grande déception des anglais voulant installer des cultures de Thé dans leurs colonies. Cette erreur fit néanmoins le plus grand bonheur des jardiniers qui commençaient à diversifier activement leurs collections ornementales.

Le XIXème siècle verra arriver diverses variétés d’origines chinoise ou japonaise, notamment, grâce à un grand “corsaire” botanique anglais : Robert Fortune. Le XXème siècle sera à son tour redevable à Forrest de nouvelles espèces.

Grands arbustes ou petits arbres persistants, dont on a longtemps cru qu’ils exigeaient la serre et la terre de bruyère, les Camellias peuvent dépasser dix mètres à l’air libre, pourvu que l’acidité du sol et la douceur du climat leur soient favorables, comme c’est notamment le cas sur la façade atlantique française(4).

Parmi les grandes espèces de Camellias aujourd’hui cultivées par les jardiniers, citons essentiellement :

  • le Thé de Chine (Camellia sinensis) ;
  • la Rose du Japon (Camellia Japonica), qui est le Camellia classique, longuement sélectionné en Extrême-Orient, en particulier par certains Samouraï dont il était l’emblème et dont les formes parfaites à fleurs simples “Higo” sont l’exemple le plus accompli ;
  • le Camellia sasanqua, dont les petites fleurs sont délicatement parfumées et très précoces ;
  • le Camellia saluenensis, originaire de Formose et très tôt hybridé avec le Camellia du Japon ;
  • le Camellia reticulata, dont les grandes et belles fleurs rachètent la fragilité. Cette espèce, introduite en 1820 par Robert Fortune, entra dans de nombreuses hybridations et donna entre autres la célèbre race des X Williamsii.

Cette trop courte liste s’enrichit cependant d’apports plus récents, collectés dans les domaines botaniques de la péninsule indochinoise, et sur lesquelles les hybrideurs fondent d’importants espoirs depuis plusieurs décennies. C’est notamment le cas du Camellia Granthamiana, découvert à Hong-Kong en 1955, puis de diverses espèces à fleurs jaunes telles que Camellia chrysantha… les plus récentes découvertes porteuses d’importantes promesses pour l’avenir ayant été faites au Vietnam par Rosman entre 1992 et 2002.

De grands collectionneurs et sélectionneurs européens ont puissamment contribué à la renommée de cette “Rose du Japon”, ou Tsubaki (l’arbre aux feuilles luisantes), rencontrée et décrite par Kaempfer en 1682 (5) .
En France, ce furent les Soulange-Bodin, horticulteur à Ris-Orangis, les Napoléon Baumann, pépiniéristes à Bollwiller, les Ferdinand Favre et autres Nantais (6), les Leroy et autres Angevins, les Cels, Tamponet ou Fion, pépiniéristes collectionneurs près de Paris et, surtout, l’abbé Laurent Berlèse, à qui l’on doit l’une des premières monographies de cette plante et de ses nombreuses variétés horticoles (7) (trois éditions illustrées de quelques gravures en noir : 1837, 1840, 1845).

De 1841 à 1843, parut en souscription une superbe édition présentant 300 variétés simples ou doubles, peintes directement par Jung dans les cultures de l’abbé Berlèse (8) . Cette édition mythique, aujourd’hui du domaine de la confidentialité, malgré quelques tentatives de réédition, figure parmi les richesses de la SNHF.

Les fleurs représentées semblent très grandes parce qu’il était alors d’usage d’en réduire le nombre en culture afin d’en augmenter les proportions… au plus grand avantage des fleuristes et de leurs célèbres boutonnières !

Daniel LEJEUNE,
Ingénieur Horticole
Administrateur de la Société Nationale d’Horticulture de France

Notes et références

  1. Charles Linné, Genera plantarum, première édition de 1737
  2. Facture de Ragonot correspondant à des livraisons de novembre 1843 à janvier 1844, et citée par Gibault dans le bulletin de la SNHF de 1939
  3. Appellation attestée dès 1837. Les flambards étaient les snobs du régime de Louis-Philippe
  4. La Ville de Nantes détient le Conservatoire National du Camellia. On peut voir de nombreuses variétés anciennes au Jardin des Plantes. Roland Jancel, son Directeur honoraire, m’a fait l’honneur et l’amitié de relire la présente introduction
  5. Kaempfer, dans Amœnitates exoticæ, paru en1712, décrit et figure une variété à fleurs simples, le Tsubaki
  6. Service des Espaces Verts de la Ville de Nantes « A propos de Camellia », plaquette rédigée sous la direction de Roland Jancel
  7. La seconde édition de la monographie de Berlèse fut couronnée par la Société Royale d’Horticulture de Paris en 1840
  8. Berlèse, “Iconographie du Camellia”, chez Cousin à Paris, 3 volumes 1841-1843, gravures de Duménil, Gabriel et Oudet, d’après des peintures de J.J. Jung