Le Conseil scientifique de la SNHF propose depuis quelques années une série de webinaires durant la période hivernale. Les présentations sont diverses, toujours liées aux préoccupations du jardinier amateur, et, tout en restant scientifiques, sont vulgarisées pour tous les publics.
Après l’origine géographique des légumes en 2023, cette année le thème des webinaires sera « D’où viennent nos fruitiers ? ». Trois sessions porteront sur les fruitiers à pépins, fruitiers à noyaux et fruitiers oubliés et exotiques. Une dernière demi-journée, en présentiel, sera consacrée à la filière fruitière française.
L’accès aux webinaires et à la journée en présentiel est libre, sur inscription.
Programme
Fruitiers à pépins
Mardi 10 décembre 2024 à 14h30 en ligne
- Reconstitution de la généalogie des variétés anciennes de pommier, Hélène Muranty, Chargée de Recherches INRAE Institut de Recherche en Horticulture et Semences Angers,
- Diversité des poiriers sauvages et cultivés : la comprendre, la protéger, l’utiliser ? , Jade Bruxaux Post-doc programme FruitDiv Institut de Recherche en Horticulture et Semences Angers,
- Un patrimoine fruitier, le pôle fruitier de Bretagne, Olivier Ibarra, Responsable du pôle fruitier de Bretagne Dinan.
Le pommier cultivé (Malus domestica) appartient au genre Malus qui compte une trentaine d’espèces. Le genre appartient lui-même à la sous-famille des Maloïdeae, qui se range dans la famille des Rosaceae. L’ancêtre principal du pommier cultivé est l’espèce Malus sieversii, que l’on trouve aujourd’hui dans les montagnes du Tian Shan en Asie centrale. Au cours de son voyage de l’Asie vers l’Europe le long des routes de la Soie, le génome du pommier s’est enrichi d’apports provenant de Malus orientalis, que l’on trouve aujourd’hui en Asie mineure, et de l’espèce sauvage européenne, Malus sylvestris.
Les variétés de pommier peuvent être maintenues pendant des siècles dans des vergers ou des conservatoires grâce au greffage. L’identification des variétés a longtemps reposé sur une description pomologique concernant l’architecture de l’arbre, la taille et la forme des feuilles, la taille, la forme, et la couleur des fruits, et la couleur de la chair, et parfois le goût, ainsi que la période de maturité. Mais une partie de ces caractères peut résulter de l’effet de l’environnement plutôt que du génotype, c’est-à-dire de la variété proprement dite. L’utilisation du marquage moléculaire (issu de l’ADN) permet aujourd’hui une identification variétale plus sûre : avec quelques marqueurs moléculaires constituant une empreinte génétique, on peut identifier des arbres qui portent le même profil moléculaire, et qui sont donc issus du même pépin au départ. Mais avec un plus grand nombre de marqueurs, couvrant tout le génome (c.à.d. tous les chromosomes), on peut également identifier les relations de parentés entre les variétés.
Dans un premier temps, avec des méthodes simples de comptage des « erreurs mendéliennes », des relations de parentés impliquant plus de 800 variétés ont été identifiées dans une étude impliquant 1400 variétés anciennes ou locales de pommier. Les parents de variétés emblématiques telles que ‘Calville Blanc d’Hiver’ (France), ‘Transparente de Croncels’ (France), ‘Ribston Pippin’ (Grande-Bretagne) ou encore ‘White Transparent’ (Pays Baltes) ont été déterminés. Un arbre généalogique couvrant sept générations a été reconstitué. Il mettait en lumière la contribution très importante et inattendue de deux variétés normande et anglaise datant de la Renaissance, ‘Reinette Franche’ et ‘Margil’, ainsi que celle de la variété russe ‘Alexander’ datant du XVIIIème siècle.
Dans un second temps, des méthodes plus élaborées ont été développées i) pour utiliser conjointement des données de marquage moléculaire obtenues avec des technologies différentes, ii) pour déduire des relations d’apparentement au-delà de la relation parent-enfant, c’est-à-dire de type pleins-frères, demi-frères ou grand-parent – petit-enfant, iii) pour déduire qui est le parent et qui est l’enfant dans une relation où le deuxième parent n’est pas identifié, iv) pour reconstituer le pédigrée de variétés triploïdes.
L’application de ces méthodes à un nombre de plus en plus grand de variétés a permis d’identifier des groupes de demi-frères possédant un parent commun, ce qui permet parfois ensuite de déduire la région probable d’origine de ce parent commun et de le chercher dans les collections locales. Le pédigrée du parent inconnu de la variété ‘Cox’s Pomona’ a été reconstruit. Il comprend la variété ‘Reinette Franche’, qui interviendrait deux fois comme grand-parent. La variété ‘Fameuse’ a été indiquée comme grand-parent probable de la variété ‘McIntosh’. Le sens de la relation entre les variétés ‘Reinette Franche’ et ‘Nonpareil’ a pu être précisé, avec ‘Reinette Franche’ en parent. De même, ‘Bellefleur de Brabant’ a été montré comme parent de ‘Court Pendu Plat’, alors que les dates des documents les plus anciens citant ces noms de variétés, supposés permettre la datation approximative de la naissance des variétés, indiquaient une relation inverse. L’étude des variétés triploïdes a montré que contrairement à ce qu’indiquait parfois la littérature, les génotypes triploïdes ne sont pas des parents de génotypes diploïdes. Le plus souvent, la forte ressemblance phénotypique entre une variété diploïde et une variété triploïde qui avait été suggérée comme son parent est à relier avec le partage d’un parent commun, dont un gamète diploïde est à l’origine de la variété triploïde. C’est le cas de la variété diploïde ‘Cox’s Orange Pippin’, qui était supposée avoir pour parent la variété triploïde ‘Ribston Pippin’ : en fait ‘Cox’s Orange Pippin’ et ‘Ribston Pippin’ ont en commun le parent ‘Margil’. De plus, l’élargissement de l’ensemble de variétés génotypées a permis d’identifier le deuxième parent de la variété ‘Cox’s Orange Pippin’, qui est la variété ‘Rosemary Russet’, un enfant de ‘Nonpareil’.
L’exposé sera l’occasion d’illustrer ces relations d’apparentement et le large pédigrée qu’on peut en déduire. Un focus sera fait sur l’utilisation de ce pédigrée en sélection de variétés modernes.
Hélène Muranty
Hélène Muranty est chargée de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Elle effectue ses recherches au sein de l’équipe ResPom (Résistance des Pomoïdées) de l’Institut de recherche en horticulture et semences (IRHS), à Angers. Ses recherches portent sur l’utilisation des marqueurs moléculaires dans les stratégies d’amélioration des arbres fruitiers, avec un focus sur le pommier principalement. Dans ce cadre, elle s’intéresse d’une part à la compréhension du déterminisme génétique des caractères d’intérêt, résistances aux maladies et ravageurs mais aussi autres caractères participant à la valeur agronomique des variétés. D’autre part, elle vient en appui à la mise en œuvre de la sélection assistée par marqueurs pour des gènes majeurs ou des QTLs, et étudie l’intérêt de la sélection génomique.
Les poiriers, arbres fruitiers à pépins de la famille des Rosacées, forment un groupe bien plus vaste que les quelques espèces cultivées pour leurs fruits ou utilisées en ornementation. Au cours de la présentation, nous passerons en revue la grande diversité actuelle au sein du genre Pyrus en Europe, mais aussi en Asie, puis nous aborderons la diversité des variétés au sein des poires cultivées, et essaierons de comprendre comment autant d’espèces et de variétés ont pu apparaître. Je présenterai également le projet européen FruitDiv qui vise à étudier les espèces d’arbres fruitiers non cultivés, dans un but de conservation, mais aussi dans un but potentiel d’amélioration des variétés cultivées.
Jade Bruxaux
Après une formation en écologie et génétique, j’ai travaillé plusieurs années en France puis en Suède sur toutes sortes d’espèces : oiseaux, champignons, conifères… Depuis juin, j’ai rejoint l’INRAE d’Angers pour travailler sur la diversité génétique des arbres fruitiers sauvages, et en particulier des poiriers sauvages.
Résumé de l’intervention
Lorsque l’on parle de patrimoine fruitier, ou de biodiversité cultivée fruitière, nous touchons tout autant une ressource culturelle, sorte de raison d’être d’une variété, qu’une ressource génétique, résultat de multiples croisements, généralement de hasard, au fil des siècles. En Bretagne, il est d’usage de dire qu’une variété n’existe que si les deux sont réunies et que perdre l’une des deux est souvent irrémédiable.
Le Pôle Fruitier de Bretagne a été imaginé au début des années 2010 dans l’esprit des Conservatoires Régionaux des Ressources Génétiques, à l’initiative et dans l’objectif de fédérer les structures locales œuvrant depuis les années 1980s à la préservation du patrimoine fruitier via un travail de collectage (de mémoire et de matériel végétal) et de création in situ d’une multitude de vergers à vocation conservatoire. La conservation des variétés recensées s’organise ainsi en Bretagne via un ensemble évolutif de près de 200 vergers (majoritairement de pommiers) à vocation conservatoire gérés par de nombreux acteurs locaux et représentant plus de 10 000 arbres pour un nombre d’accessions supérieur à 3 000.
En effet, s’il existe bien évidemment différents moyens de conserver cette ressource à l’identique, excluant de fait la conservation par graine, le système retenu pour conserver de manière efficience cette biodiversité cultivée fruitière est celui de la conservation par greffage sur porte-greffe franc ou sélectionné, l’ensemble de ces porte-greffes + greffons étant implantés dans des vergers dit conservatoires. Cette modalité s’est avérée être à l’usage, pour un réseau principalement bénévole, une solution plus accessible techniquement et économiquement que la cryoconservation et aussi moins aléatoire que le bouturage.
Une des spécificités historiques bretonnes, au-delà de la très importante richesse pomologique paysanne et donc de la modeste bibliographie disponible, est le choix d’implanter ces vergers conservatoires au plus proche du secteur de collectage, sur des terrains principalement publics et peu aliénables et surtout une modalité de conduite des vergers en haute-tige, à l’image des vergers de plein vent sur lesquels ont été prélevés les variétés mais aussi pour être en cohérence avec les informations comportementales collectées chez les détenteurs de ces variétés.
Cette multiplicité des intervenants sur ce type de vergers (propriétaire du terrain, gestionnaire de la surface enherbée, responsables de l’entretien des arbres, bénévoles observateurs pomologiques, usagers, …) n’est pas sans poser de nombreuses problématiques de coordination, mais dans l’ensemble cela reste à ce jour la solution la plus efficiente de la conservation de cette biodiversité.
Le rôle du Pôle Fruitier de Bretagne, qui se pose en gestionnaire de collections réparties dans un verger virtuel à l’échelle régionale, est d’apporter un premier niveau de mutualisation et coordination des informations sur ce qui est conservé par chacun afin d’avoir une idée du niveau de sécurisation des collections. Cela passe également par un travail de formalisation des éléments de traçabilité des accessions mises en collections, l’identification des pieds mères ou vergers-mères, et également par un travail d’appui aux pomologues en leur offrant la possibilité de confirmer ou d’infirmer une hypothèse variétale par l’établissement d’un profil génétique. Ainsi il s’agit de minimiser le risque d’erreur lors des opérations de diffusion de cette biodiversité.
A titre d’illustration conclusive, le Pôle Fruitier de Bretagne présentera une initiative inédite d’inventaire participatif des poiriers vénérables bretons permettant, dans l’urgence, de préserver une nouvelle ressource génétique et culturelle fruitière jusqu’alors inexplorée et non connue des spécialistes locaux. Cette initiative, qui une nouvelle fois illustre la richesse fruitière paysanne et la nécessité de créer de nouveaux vergers conservatoires, tout en posant la délicate question de l’adaptabilité des porte-greffes au changement climatique, est aujourd’hui dédoublée par un travail similaire autour du cormier (Sorbus domestica) et peut-être demain autour des reliquats matériels et immatériels de la vigne en Bretagne.
Olivier Ibarra
Directeur du Pôle Fruitier de Bretagne depuis 6 ans, écologue et ingénieur agronome INAPG, Olivier Ibarra a exercé auparavant en tant que coordinateur du réseau Civam en Ardèche puis responsable de formation au sein d’un CFPPA en Ille et Vilaine. Passionné par l’évolution des systèmes agraires en lien avec l’agroécologie et le développement rural durable, il porte un regard ambitieux sur le potentiel du patrimoine génétique et culturel fruitier et l’impérieuse nécessité de préserver à long terme cette ressource pour l’agriculture et l’alimentation du plus grand nombre.
Fruitiers oubliés et exotiques
Mardi 7 janvier 2025 à 14h30 en ligne
- Fruits tropicaux, des origines à notre table, Fabrice Le Bellec, Directeur de l’unité de recherche HortSys Cirad Montpellier
- L’Europe, nouvelle terre d’accueil pour la culture des fruits tropicaux ?, Fabrice Le Bellec Directeur de l’unité de recherche HortSys Cirad Montpellier
- Fruits oubliés, néflier, Eleagnus, prunellier etc., Marie Maitrot Arboriste Gourmand’arbres Loiret.
Fruitiers à noyaux
Mercredi 15 janvier 2025 à 14h30 en ligne
- Le CRB prunus (pêches, prunes), Bénédicte Quilot Responsable du groupe Prunus Génétique et Amélioration des Fruits et Légumes INRAE Avignon,
- Le cerisier, Anthony Bernard, Chargé de recherche INRAE Biologie du fruit et pathologie Bordeaux,
- L’abricotier, Véronique Decroocq, Directrice de l’unité INRAE Prunus, Adaptation, Diversité, Amélioration Bordeaux.
La filière fruitière française
Mardi 21 janvier 2025 à 14h30 en présentiel à Académie d’Agriculture de France
18 rue de Bellechasse 75007 Paris
La filière fruitière française
- Orientations de recherche de la filière fruits relation avec le changement climatique, Jean-Luc Regnard Professeur honoraire, Institut d’agronomie SupAgro Montpellier,
- Qualité des fruits : perception sensorielle et facteurs impactant, Valentine Cottet Ingénieure de recherche CTIFL,
- Échanges commerciaux nationaux et internationaux, Nollan Rioual-Puget, Chef d’unité Filières spécialisées FranceAgrimer Montreuil et Pauline Cuenin Directrice des marchés, études et prospections.