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[Tribune] Prise de décision entre sciences et politique

Par Yvette Dattée, présidente du conseil scientifique de la SNHF

Le coronavirus met la science à la une des journaux. Les scientifiques se sont réjouis d’entendre le Président de la République et le gouvernement dire qu’ils s’appuieraient sur l’avis d’un conseil scientifique pour gérer la crise sanitaire. Les citoyens ont donné, avec leur confiance, l’espoir pour les scientifiques de voir leur expertise réhabilitée.

En effet, les  hommes politiques, les influenceurs des citoyens (journalistes, philosophes…) et les citoyens eux même, manquent généralement de culture scientifique pour interpréter correctement les avis des scientifiques et des experts. Il en découle, avec le déploiement des réseaux sociaux, des fake news abondamment véhiculées, alimentant la théorie du complot.

Dans le cas de l’épidémie de Coronavirus d’un côté, une grande confiance se manifeste dans le soutien aux efforts de recherche, pour la mise au point d’outils, de médicaments, de tests et de vaccins, Mais, d’un autre côté, la confiance butte sur les technologies de suivi numérique. On parle « traçage », mot porteur d’une charge émotionnelle forte. Comment accepter que des technologies viennent empiéter sur des libertés individuelles?

Entre confiance et méfiance, ces valses-hésitations autour de l’admissibilité des nouvelles technologies démontrent que l’objet du débat, davantage que les technologies en elles-mêmes, est avant tout politique. Il ne porte pas tant sur les technologies que sur l’usage que l’on en fait. Il ne faut pas oublier que les mêmes technologies peuvent être tout à la fois à la base de la reconnaissance des tumeurs, dans le cas de la médecine, et de celle du dévoilement des identités.

Pour avoir confiance dans les technosciences elles-mêmes, il faut avoir confiance dans la manière dont les gouvernants et les entreprises les mettent en œuvre. La confiance dans les technosciences suppose une confiance préalable dans le régime au sein duquel elles se déploient. C’est pourquoi la confiance des politiques envers les instances d’expertises et les comités scientifiques est primordiale même si le politique doit ensuite arbitrer entre différentes contraintes comme c’est le cas lors du déconfinement que nous vivons. L’important en démocratie est de définir librement les critères d’arbitrage indépendamment de toute pression.

One thought on “[Tribune] Prise de décision entre sciences et politique”

  1. Votre réflexion est pleine de bon sens et je la partage. Encore faudrait-il que les instances scientifiques -auxquelles vous appartenez- ne donnent pas l’impression d’un discours « scientifiquement correct » à la remorque des courants de pensée dominants à la mode. Le domaine qui est le notre: l’agronomie, l’horticulture… semble parfois être victime « d’ayatollahs » pour qui le sens critique et la rigueur scientifique sont bien étrangers. Il est bien étrange de voir fleurir en ce début du XXIème une sorte syncrétisme pagano-écologiste n’acceptant aucune contradiction … Les plantes ont parfois besoin elles aussi d’une protection phytosanitaire. On n’enseigne plus l’histoire de l’arrivée du mildiou, du doryphore, du phylloxera, du chancre coloré du platane et de quelques autres maladies ou prédateurs ayant eu des conséquences parfois dramatiques comme la famine en Irlande au XIXe siècle…
    Je vous prie Madame d’accepter l’hommage de mes salutations très distinguées. A.D.

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